A Paris, au fond d'une rue étroite du Marais, derrière
B.H.V., prenez la rue du Plâtre. Devant un bar gay nommé
"Le Détour", vous trouverez un lavoir. Le lavoir du
IVème. Ne me demandez pas pourquoi ce lavoir en particulier.
Je suis comme on dirait "tombé amoureux", je ne vais
plus à Paris voir la tour Eiffel, je vais au lavoir du IVème.
. . . .

Je me baladais
là bas, flânant entre ces beaux hommes et ces boutiques
chics à la mode. Je décide de me prendre à l'aventure
et de tourner au hasard, ce sera la rue du Plâtre. Au 15 de la
rue, je me heurte à cette lumière. Stoppé net,
je me sens comme pris par une force agréable qui me tire dans
ce lavoir. Je passe la porte, des néons jaunes m'éclaboussent
de cette lumière captivante, ces hublots me regardent et me révélant
tout à coup des estomacs encore jamais explorés par mon
attention. Non, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas de ces
espèces de poètes qui s'extasient sur un peu tout et n'importe
quoi (genre fleurs pourries, cadavres ou animaux domestiques).
. . . . . . . . . . . .

Une fois
entré dans l'endroit, une foule de chiffre m'harcèle.
6 > 10 Kg - 5>10>15>20 Minutes - Machine 30>31>32>33-
Lavoir IV -6>1 € 20>30>40 degrés - 7hoo à
21hoo - des numéros de téléphone, appelez le 06
machin truc etc. Une vieille dame est peut être rentière
de l'endroit, elle a chopé le filon : Vu le prix du mètre
carré dans le secteur, les parisiens du quartier ne peuvent peut
être pas tous sacrifier un précieux mètre carré
pour une machine à laver. Alors, ici se rassemblent des machines
à laver le linge. Les habitants viennent ici avec leur linge
et le nettoient en attendant dans l'indifférence générale
de la ville. L'endroit sobre au milieu du bourdonnement du quartier
nous protège, l'endroit est calme, on est là pour attendre...
et notre reflet dans le hublot de la machine à laver qui nous
regarde.
. . . . .

Mais,
pris soudain par une force intérieure (ou extérieure)
voilà que mon corps se soulève. Rien en dessous, mes pieds
ne touchent plus le sol. L'idée me traverse l'esprit, ces hublots
qui me regardent : c'est peut être Dieu avec ses yeux qui me lorgne.
Nan, faut pas rire, l'idée meurt instantanément. On aurait
pu penser qu'il voulait me tester, voir à quel point une société
pouvait me pourrir, me rendre salopard et avare. N'importe quoi, son
hublot me foutrait le tournis, j'en vomirai comme je vomi de la société,
cette société qui nous rend malade et qui se tape le luxe
de nous castrer. La chose était beaucoup plus agréable,
cette force ; c'était la force du cur, la force humaine
qui n'avait rien de centrifuge. "Il est de toute première instance
que les laveries automatiques, au coin des rues, soient aussi imperturbables
que les feux d'arrêt ou de voie libre. Les flics du détersif vous indiqueront
la case où il vous sera loisible de laver ce que vous croyez être votre
conscience et qui n'est qu'une dépendance de l'ordinateur neurophile
qui vous sert de cerveau. Et pourtant..."
. . . . . . . . . . . .

|