Au
dessus d'une ville qui s'appelle Saint-Julien-Aux-Bois, sur de grands
plateaux proches de la limitation départementale avec le Cantal,
peut être un des endroits les plus hauts en Corrèze,
je passe en voiture avec ma tante pour chercher du fromage chez le
producteur. Nous y achèterons du Cantal, du Saint Nectaire
et de la Tome de Vache. Nous passons dans un petit lieu dit nommé
"La Besse".
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Il y a là, beaucoup d'arbres, beaucoup de champs, quelques
maisons en pierre sans doute assez vieilles. Au détour d'un
virage, j'ai le temps de prendre un vieil homme en photo. En quelques
secondes, une fois la photo prise, je souris au vieux monsieur et
lui fait un petit coucou, il sourit aussi et me renvoie le signe.
J'aurais bien envie d'y retourner, de lui dire bonjour pour lui parler
un peu. J'avais le sentiment d'être plongé dans une autre
époque, un siècle plus tôt. Ça me faisait
penser à Raymond Depardon lorsqu'il faisait ses "profils
paysans". Je trouvais là une terre encore vierge. Un lieu
qui restait dans sa modernité, je trouvais l'endroit authentique
et protégé de notre monde (monde postmoderne, du téléphone
portable et des pokemon). Je me sentais un peu voyeur, c'est ce qui
se passe quand on fait du tourisme là où il n'y a rien
à voir (circulez). Ce monde des vieux paysans m'était
inaccessible et jamais je ne pourrai en faire partie.
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Derrière la vitre de la voiture, il y avait une utopie peut
être, celle d'un monde que nous aurions perdu, le rêve
de la nature, des choses simples, du contact avec la terre, l'autosuffisance
alimentaire grâce à la culture et la l'élevage.
Il y avait quelque chose de vrai qui se dégageait de cet endroit.
Je trouvais que ce bonhomme qui restait debout seul dans ce virage
à regarder la terre avait quelque chose de pittoresque. Et
il avait déjà été peint > Armé
d'un bâton de pèlerin, il restait à regarder dans
le lointain (à ce propos > prochain article sur l'AnhalterBahnoff
de Berlin), je lui trouvais un air familier au "Voyageur contemplant
une mer de nuages" de Caspar David Friedrich. Quelle drôle
d'idée de trouver l'idée d'un romantique à La
Besse. Pourtant il y avait bien des points communs à commencer
par ce bâton et cette idée que la terre appartient à
celui qui la regarde.
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Il
n'y avait qu'un seul point sur lequel le vieux ne pouvait pas être
compatible : C'était sur le fait que par rapport à ce
tableau, le vieux n'était pas un voyageur, il appartenait bien
à ce monde contrairement au Voyageur de Friedich qui se sent
comme au dehors du monde, comme s'il était hors jeu. Sans oublier
la différence d'âge entre les deux hommes, peut être
si le voyageur de Friedrich avait eu à vivre, il aurait peut
être finit par échouer ici en transportant avec lui sa
modernité et l'installant dans la nature loin de la ville qui
le contaminait tant... (et bien pas si sûr !)