VENDREDI 9 MARS :

Carnage 2 :
(ou spectre de vie.)


Et pourtant, j'ai, à ce jour, l'intime conviction que ce site est, pour moi, ma seule essence. Quelle tristesse... Je sortais du Gains"bar" ; mon sachet du Furet du Nord à la main. Avec un livre à l'intérieur de ... zut, j'ai oublié. Faut dire, j'ai encore siroté une bonne partie de l'après-midi. Enfin, sympa ce gains"bar", la bière est aussi bonne qu'ailleurs, mais faut croire qu'ici, de tout, on en a rien a foutre, faut voir. Place du travail, Roubaix. J'ai marché du bahut à la grand place : Je suis passé chez Géant, j'ai acheté de quoi manger. Puis je suis passé au Furet, j'ai cherché un livre de Sartre, "l'être et le néant" que je n'ai pas trouvé d'ailleurs, sinon sur ma liste : il y avait du Modiano, que je n'ai pas trouvé et aussi j'ai cherché un livre de Kerouac, "sur la route", même succès que les livres précédent. J'avais quelques euros en poche, ce serait tout de même dommage que de partir sans avoir acheté un livre. Alors j'ai pris un livre à deux euros, (vous savez ces extraits de livres qu'on vend pour faire découvrir les autres auteurs) Albert Camus ; Jonas ou l'artiste au travail.

Je passais en caisse, je remontais le magasin pour sortir coté rue, je m'arrêtais une dernière fois avant de partir au rayon CD. Je regardais quelques CD d'Alain Bashung. Et je jetais un œil aux nouveautés. Ce qui est étrange, c'est ce rituel culturel qui arrive toutes les semaines, je passe au Furet, je ne trouve pas mes livres que j'avais préalablement repéré sur internet, ensuite je vais au rayon CD, je regarde les CD de bashung, et je m'en vais. Rien ne change, c'est comme si, je me sentais obligé de faire cette ronde toute les semaines pour surveiller ce qu'il se passe. Dès fois qu'il y aurait quelque chose de nouveau. Le Furet du Nord, me rappelle quelque fois, ces grands magasins dans les démocraties populaires : On m'avait rapporté qu'ils avaient des difficultés de production et d'approvisionnement. Ici, un grand rayon vide, et de l'autre coté, un rayon rempli de conneries pour les touristes, ou c'est hors de prix ou bien ce n'est pas à vendre. Le magasin devait sans doute recevoir des livres de temps en temps, mais les gens faisaient sans doute la queue pour avoir ces livres, et donc très vite rupture de stock. Mais ce que je ne comprend pas c'est qu'il n'y a jamais foule là bas.

J'oubliais, dans le Nord rien de nouveau, nous sommes des "sinistrés culturels" (je ne sais pas comment ça se passe ailleurs). On ne trouve jamais les livres qu'on veut y trouver. Ce magasin sert seulement dans sa limite du possible à assister les écoles, pour les quelques profs qui sont encore assez fou de faire découvrir la littérature à des jeunes ("de quartiers") sensibles. Je laissai Alain Bashung derrière moi, de toute façon, il sera encore là, la semaine prochaine. Je passais devant une affiche de Finkelkraut qui faisait promotion pour son nouveau livre (pas ici > A Lille). Et aussi en tête de gondole, un groupe de jeunes "révoltés", Tryo album live. Je décidais de sortir du magasin. Je respirai l'air frais.

Je remontais le boulevard, je faisais volontairement un détour. Et voilà que je tombais sur la place du travail, j'entrai dans ce bar. Le Gains"bar". Un vieux juke-box éteint, je met la main dans ma poche, je sors le tout. Je prend bières sur bières. Je prend un stylo, je sors une cigarette, j'allume, et je fais semblant de travailler. Le livre dans ma main gauche, la cigarette dans l'autre. Alors, Jonas ou l'artiste au travail. Vu la forme, ça ne peut que me rappeler le livre de Gainsbourg ; Eugènie Sokolov. Un artiste pétoman qui rencontre un certain succès.

Je sortais donc du bar, déjà six heure douze, je plaisante, je me suis fais chié toute l'après midi. Je titube un peu. Et je sors cette phrase de ... Zut, j'ai oublié son nom à lui. Enfin, je dis "QUE DU VENT". Et je rigole comme un idiot, une petite vieille me regarde "Mais qu'est ce que c'est que ce type ?". Ce type, c'était on savait pas trop quoi, c'était un grand trou noir, dans lequel il y avait un courant d'air. Un type rongé par le vent, un type qui n'avait rien à faire place du travail. C'était pas vraiment un type, c'était un reste de type, un peu en vrac. Et même s'il ne savait plus trop ce qu'il était (il ne l'avait jamais su). Il se sentait comme mis à rude épreuve, et ressentait son individualité comme un défi que le destin lui aurait fixé, sans réel objectif. Il se sentait décidément comme un rat de laboratoire sinistré à qui on faisait des expériences. Enfin de partie, c'était comme ça. Il avait encore revu l'envers du décor, et le décortiquait, à l'habitude. Et il demandait : " Alors, on y va ?
Et l'autre voix lui répondait, sous une voix féminine (comme la bonne femme de la Treille qui écoute) _Allons-y.

Elle ne bougeait pas, moi je continuais à marcher, tant que possible. En attendant ... Dieu peut être, comme on a pu me le supposer. Enfin, en attendant, je marchais jusque chez moi. Elle ne bougeait pas, et elle restait même, dans ma tête.

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