Jeudi 11 Octobre :

Idylle Nocturne :

On est ivre, il fait plutôt frais et il pleuvine. Je lui ai prêté mon manteau, lui m'a prêté sa veste. Je me moque du froid qui m'entoure, j'ai trop chaud au cœur pour m'en soucier. A vrai dire, on s'est seulement branché pour l'instant, mais je sens qu'il se passe quelque chose qui est plus que chimique en moi. Et il est réceptif. Il doit être trois heures trente, il n'y a pas une voiture sur la départementale. On est là, à deux, sur la piste cyclable et nous rentrons de cette soirée formidable. Dans le bar, il me prend pour quelqu'un qui s'appelle Simon Henri, et m'offre un verre. Il a quelque chose de très grec. Des cheveux brun cours et légèrement ondulés, des yeux bleus marins, un nez sculpté par les dieux eux-même.

Ça a commencé comme ça. L'offre du verre, gentil, discussion sympa, petits sourires, éclairs droits dans les yeux. Puis quelques phrases qui annoncent la couleur, l'intérêt, puis la mise en confiance. Question d'habitude sans doute. Là, on sourit, et on se dit, ça y est, je crois que ça peut peut être le faire. Et puis, un autre verre, puis un autre, le premier qui gerbe est disqualifié. Heureusement ce soir, j'ai encore assuré, je n'ai pas vomi et au contraire, j'ai cartonné et je crois même que je lui plais beaucoup. Puis vient la fin, le bar ferme évidement.

On rentre à pied, faute de tram ou de métro à cette heure ci. Puis ça ne me dérange pas, on discute ou pas, on profite aussi des silences passés ensemble, et on n'ose penser qu'il y aura une fin à ce trajet qui seulement parait, parait interminable. Je fatigue, je ralentis le pas, puis je me pose quelques temps sur une barrière. Il me rejoint, je le regarde, sa bel gueule d'ange m'est très tentante, mais je ne sais pas ; je n'ose pas, je préfère le laisser venir.

Et il vient. Avec un petit sourire, et sa barbe de trois jours qui brille au reflet des réverbères, il m'enlace et m'embrasse tendrement. Puis il déclare après ça que je suis un navet en drague. Les choses semblent accises, il s'assoit à coté de moi et il pose sa tête sur l'épaule et me caresse le torse avec sa main sur mon pull. Là, tout n'est qu'ordre et beauté. Pourtant, "Loïc, je dois y aller, je suis fatigué", et puis, "J'habite à deux rues, ne m'accompagne pas, ça te ferait faire un détour". Et il me quitte sur un long baiser et prend mon numéro de téléphone.

Je continue de rester bêtement sur ce banc abrité par le toit de l'arrêt de tram, je garde précieusement la chaleur qu'il a laissé dans mon manteau. Et je m'assoupis un peu, après tout, le prochain tramway est dans à peine deux heures et demie. Je me repasse en boucle la soirée, qui fut trop courte. Et je me remémore la discussion, qu'il est seul en ce moment et que ses parents sont en vacances, qu'il habite à deux rues... et qu'il a du délibérément oublier de m'inviter chez lui. Je perds le fil, et m'endors vraiment. Lendemain matin, réveil de clochard et première pensée non réactive :

Merde. Je me suis fait arnaqué.
Et évidement il ne me rappellera pas.
Seulement se faire désirer et se moquer de soi-même au fond.
Et puis massacrer ceux qui ne sont pas à la hauteur.
On va l'assassiner aussi.

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