Mardi 25 Septembre :

les souffrances du jeune Loïc

Je passe ma vie dans les bars.
Mais il arrive que c'est ma vie qui y repasse.

Mais putin, qu'est ce que tu foutais là ? J'allume ma énième gitane. Je ne t'ai pas vu entrer. Puis je me rend compte que tu es bien présent, je laisse malgré moi, saisi par la surprise, transparaître un visage apeuré comme si un énorme glaçon passait en cinq seconde de la bouche au fin fond de l'estomac. L'épouvante me gagnait jusqu'au bout de mes converses beiges défoncées. Moi qui était si bien assit, ne sait plus où se mettre et voudrait bien être un ficus mourant dans un coin oublié. Je me morfondais dans ce bon vieux bar ou le côte de Provence vous perse les intestins jusqu'à l'anus (ark). Je me suffisais dans cette vie là. A fond marginal, une espérance de vie limitée mais au moins une vie d'amis et joyeuse, c'était mon sabordage. Après l'obstination, où l'on parie à la roulette russe, on prend des risques, on mise tout, et évidemment on y perd des plumes parce que la sécurité paraissait suffisante. On s'y est plongé la tête la première. Petite chamade et puis big retour case réalité, accident momentané retour en catastrophe sur la bande d'arrêt d'urgence.

Comme quand vous mettez une tutelle à un petit animal craintif et doux, et que ce petit lapin merveilleux ; tellement merveilleux qu'il vous en donne une aussi. Vous êtes heureux, vous avez échangé vos tutelles et vous vous habituez. Mais imaginez que tout à coup ce lapin trouve quelque chose à redire qu'il doit y aller, imaginez que ce lapin gentil et doux est soumis à un choix auquel il lui serait impossible d'adhérer sans pour autant éprouver des regrets. Mais que quand même, il faut, alors il vous prend la tutelle... et vous gros dindon, gros dindon de la farce, vous la lui avait donné, cette tutelle. Alors automatiquement, il y a un manque chez soi, on se sent seul, et vide, l'esprit le cœur et les plumes rivés sur la tutelle.

On se sent flou ! On est confu, on oublie pas. Ça reste. Et quand on croit que ça se remet, le désir est toujours bien vivant et plus solide que l'ennui*. Voilà pourquoi on parait être un fantôme, on est triste et on est toujours hanté par l'autre. Et l'autre, est ce qu'il pense à moi ? Il a du m'oublier. Je repense à toi dans les quelques heures sombres de la nuit, où n'ayant plus assez de force, je me laisse envahir par ton souvenir. Parlons-en. Tu étais si beau, si gentil, l'homme parfait selon le jeune Rimbaud que j'étais. L'homme change, il s'adapte, mais... Il sait bien qu'il a loupé le rêve, qu'il a bifurqué sur une autre voie, une autre direction diamétralement opposée, formant un Q. Au lieu de tourner en rond toute sa vie, je fus tenté par atteindre le centre, puis après l'échec, décidait de ne plus aller à Rome et de forcer d'insister à outrance sur les autres composantes essentielles à la vie et de les user jusqu'au bout. Réaction provoquée par l'écoeurement et la souffrance certes supportable mais immobilisatrice.

Tout a commencé, il a longtemps maintenant, sur internet. Obligé, par ces temps, il est plus facile de s'isoler pour rencontrer des gens. Et donc je t'ai rencontré et tout de suite, ça m'a plus. Petit lapin merveilleux semblait craintif, demandait du résultat. Se disant plutôt d'instinct dominé, ayant besoin d'un protecteur magique. Aussitôt, petit chevalier dérisoire que je suis partait au secours de cet être magnifique. Jeune Rimbaud complètement cinglé, je signai déjà mon arrêt de mort, car ce petit lapin, était, par ses attentes, ses demandes perpétuelles, sa rigueur, en train de me dominer complètement. Et je sombrais dans tes bras virtuels, même si l'on est vu quelques fois. En cédant à son misérabilisme, son chantage affectif, il pointait son calibre sur mon cœur. PAN ! HAHA !

Je ne peux plus dire à ce jour s'il était sincère dans ses mots... personnels. Cette presque relation fut un immense piège, chaque étape était un piège, pourtant nous surmontions. La machine infernale s'est refermé sur moi. Et ton sabordage insupportable, connard, je te déteste d'amour. Je ne veux plus de ces affreux dilemmes, je veux m'amuser. Moi à l'inverse, je ne joue pas les vulnérables désirables. Je joue les Carmen, immunisé par toi ! Si tu ne m'aimes pas je fais (semblant ou pas) de t'aimer, et si tu m'aimes alors je ne t'aime plus. J'ai un plaisir sadique à briser quelques cœurs, histoire de semer des futurs sadiques, qui pousseront et qui se retournerons qui sait contre toi ou des mecs dans ton genre. Et ta miséricorde ne te rattrapera pas.

Les flash-back sont de retour, l'hiver s'installe en grande vitesse, je ne suis pas aussi loin de toi, aussi loin que tu le crois. Je suis beaucoup plus près et nous devrons sans doute, si la machine infernale continue de fonctionner, nous croiser dans la stupeur. Enfin, retour à la case Bar, je te vois ! Tu me vois ! Et je ne sais pas comment réagir, j'aurai envie de dire "j'ai à te parler puisque tu es là" sans doute pour être pris de cour par le trac et finir la gorge nouée sans son. Je suis aussi tenté de m'approcher de toi et de saluer d'un signe de la tête et attendre que tu parles, puis aviser. Je pense aussi à faire comme si de rien n'était , " Ah salut François, comment ça va ? Moi ça va super !" ou sinon partir en courant ! De toute façon puisque je suis tout près de toi, là où tu te scolarise, il est inévitable que je te croiserai et que tu me reconnaîtras, où peut être par orgueil tu feras semblant de ne pas me voir. Et tu feras semblant de t'en foutre. Mais là, tu es à quelques mètres je suis dans un dédale de question et je n'ai toujours rien fait. Allez je fais quelque chose ! "Hé Garçon, un Côte du Rhône, Rosé s'il te plait." Il me répond : "Euh...T'es sur Loïc ? J'ai l'impression que ça va pas, tu fumé quelque chose ? J'hésite sérieusement à t'en resservir une, en plus tu parles tout seul au tabouret."

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