Jeudi 26 (+27 +28 +29) Avril :

Ce soir je gerbe ... devant un miroir

- L'aveu -

"Le but de la vie, c'est de construire ; une famille (+) , une carrière (+), d'acheter une maison -pour y accueillir ses enfants, ses petits enfants pour Noël, l'avenir c'est là dedans, la relation sérieuse". Mon père et moi, devant deux pressions, l'une encore mousseuse à raz-bord, l'autre à moitié vidée. Déjà, la cérémonie/ la façon/ la gravité avec laquelle la scène se jouait (avec une facilité déconcertante) donnant tout à coup le relief et le vertige plat que peut être la vie que chacun de nous pouvons mener est obligée d'être dans le récit... D'un air plutôt "je fais semblant d'être nonchalant " au confessionnal, je subissais ce qu'on pouvait appeler un cours paternel de la vie. Bon, il faut dire que j'en ai bien besoin....

Au juste qu'est ce que la vie ? Mon père s'était fixé en tête sa propre définition de ce que pouvait être la vie au delà même du bonheur, qu'il fallait maintenir à tout prix coûte que coûte ce fragile équilibre de ce qu'on avait pu construire si durement, sans hésiter à y engloutir son bonheur. Non non, je ne dis pas qu'il est malheureux. Je dis simplement que nous avons des priorités différentes -que si, moi, je cherche le bonheur, lui cherche à construire. Et les deux points de vue sont valables. Car construire , c'est quoi qu'il se passe, oui, avoir un certain avenir ---.

Je défendais avec acharnement ma liberté, mon bon plaisir et ma frivolité. Mon père me faisait une espèce de "leçon de morale" pleinement justifiée (par son inquiétude elle aussi justifiée). Hé oui ! Si je n'atteignais pas au moins son niveau d'élévation dans l'échelle de la réussite de la construction, c'était non-seulement (pour lui) un échec pour ma personne, à la rigueur ça je m'en fous, mais c'était surtout une défaite pour mon père où, SON fils aurait rompu la lignée, la tradition devenue sienne.

Il faut dire, ou plutôt préciser que je traverse avec une insouciance volontaire une période très dure. J'ai DIX-HUIT ans... ahh ! ça ne veut rien dire, il parait. Je suis désolé aux ennemis du calendrier mais il se pourrait bien que je me pose des questions très connes existentialistes : Qu'est ce que la vie ? pire encore : Qui suis-je ? et : Que suis je ? bon, je suis Loïc (un point, mais ce n'est même pas qui l'ait choisi) et le reste ???... c'est rien. Aujourd'hui je suis convaincu d'être une merde. Peut être est-ce un malaise de notre génération -mais déjà "uniquement" est suffisant. Ce n'est pas en se disant qu'on est plusieurs qu'on s'en guéri. Aucune situation amoureuse (fg) , aucune situation professionnelle (esaat refusé), et surtout, je ne sais plus qui je suis.

Je suis le fils de mes parents, voilà ce que je suis, je pense que cela me détruit également. Je tenais à dire que je ne suis pas un lâche, ni un profiteur, ni un naïf, c'est que... je ne sais pas ce que je veux. J'essaye de me souvenir du temps où j'étais petit... rien de très pertinent, j'étais déjà l'espoir de la famille -celui qui va s'en sortir- autant de pression (pff tu veux rire !). Je me vois toujours seul. J'ai une sœur plus chanceuse que moi, jamais je n'ai été jaloux d'elle. Je suis trop orgueilleux pour ça.
Par contre, j'ai toujours été fâché de la voir faire de caprices et de se trimballer par intérêt dans les bras des uns ou des autres. Toujours je me suis formé à atteindre une certaine perfection du moi. En me refusant tout caprice ou pêcher de gourmandise. J'ai toujours fais preuve de rigueur morale en moi de ce coté là, à me refuser des tas de choses, seulement pour avoir un peu de reconnaissance. Il n'en est rien. Et tout était aussitôt mis à sac par l'amour mère-fille que faisait trop abstraction de mes efforts. Peut-être cela m'a valu de ne pas avoir la grosse tête aujourd'hui (problème ; si j'aurai eu la grosse tête je n'en serai pas là... mais la chute aurait été encore plus grande).

Pourtant, est-ce que cette rigueur m'a effacé ? Je ne sais pas, hé, ce "je ne sais pas" il revient tout le temps. M'a-t-elle effacé à tel point que je suis incapable de décider moi-même. Tu veux quoi pour Noël Loïc ? (quand j'étais petit) Le moins cher , déjà j'avais pitié de mes parents. Moi qui me privait (alors qu'on m'avait rien demandé) parce qu'on m'avait appris à vivre sans. Il arrive que mes parents m'offrent des choses sans que je ne demande rien parce qu'ils se sentaient coupables de ne pouvoir satisfaire des envies inventées. Je n'ai envie de rien, et je ne sais pas décider. Mes parents sont, tout les deux, parole d'évangile, je me soumet parce que j'ai été (me suis) élevé comme ça. Même si, j'ai appris ce qu'étaient la justice et la liberté, mais toujours incapable de décider seul. Exemple : pour voter, bien qu'il y ait des idées plus ou moins séduisantes, je demande, sans m'en rendre compte, instinctivement, à mes parents ce qu'il faut voter. Ou bien (autre exemple:) lorsque quelqu'un me plaît je demande l'avis des autres avant de me lancer. Alors oui, automatiquement, je suis incapable de choisir... Et mon orientation ? Je disais dix-huit ans mais pour faire quoi alors que je ne sais pas ce que je veux ? A dix-huit ans on prend de l'indépendance -il paraît- on devient grand, on se lance dans la construction , le sérieux.

Et je n'ai personne pour décider à ma place. Pas plus tard que ce matin en me rasant (ça m'arrive) je me regardais dans le miroir. J'ai longtemps cru que j'étais narcissique. En réalité, je suis surpris à chaque fois étonné de voir ce type qui 'entoure' mon moi. Et c'est peut être pour ça que je passe pour un cinglé tant le fossé entre esprit et corps est différent (en plus je n'ai même pas l'indépendance vestimentaire), tellement mon moi n'est pas fidèle à ce que je représente.

Mes amis, j'ai honte de les décevoir autant, car je les aime et le "Moi" étant tellement décalé à mon corps que j'en déroute plus d'un. Au lieu d'être un animal humain, c'est à dire un stéréotype minable sans conscience véritable, ne répondant qu'à l'idée qu'on se fait du stéréotype, Non, il a fallu que je me mette à faire tout l'inverse : à n'avoir aucune retenue dans mes actions et mes pensées. Il a fallu que je me détourne moi-même. En allant tête baissée dans la décadence, boire dans les rues, sortir des conneries à foison, fumer comme un vieux con en cachette (presque), en s'adorant à diverses expériences que la morale réprouve en dehors des liens sacrés du mariage. Cependant, mes amis me déçoivent parfois, parce que, cette fois ci par rapport à mon esprit, ils ne sont pas comme moi, souvent ils me désapprouvent et ne vont pas dans mon sens. Bien que je fasse aussi la critique de cet esprit aussi. Je dois être trop égocentrique, je ne le fais vraiment pas exprès, j'en suis désolé et ça aurait pu être beaucoup plus facile.



"J'ai moi aussi appris à faire face, à jouer aussi à ce jeu faux bourgeois.
Je respire la traîtrise et le mensonge."

Je suis seul et il m'arrive d'en avoir le mal de vivre, je ne veux pas trop insister sur le fait que j'ai un mal de vivre. Ma vie n'a pas été tout le temps joyeuse jusque là, et je n'en attends plus rien. Je n'ai aucune ambition. Quand on dit qu'avant dix-huit ans ; c'est l'enfance et que ce sont les plus belles années de sa vie, l'enfance... Je me demande sérieusement si cet adage est vrai, sachant que j'ai ce que j'ai vécu c'était le plus beau, que sera le reste ?

Ce fameux reste commence à se dessiner maintenant, ma vie professionnelle n'aura aucun panache et toute vie amoureuse, seul point sur lequel j'aurais pu espérer être heureux, m'est impossible à cause de mes parents. L'honneur ? un peu, mais surtout l'impossibilité de trancher sur le fait que mes parents me font vivre (nourriture + toit) et l'autre dessein d'une vie chaotique qui me mènerait à la rue sans rien, ni argent, ni amour, tout ça pour avoir voulu pour une fois s'assumer.

Oui alors, dans ces conditions, j'ai vraiment envie de disparaître, à défaut d'être autant ne pas être. Je ne veux pas être à moitié. Mais, me "suicider" maintenant n'a aucun sens, ce qui doit arriver n'est pas encore arrivé, comment alors être sur de mon futile destin ? Je suis sans espoir, toutefois, je suis plutôt du genre sûr, alors (contradiction totale) je garde espoir, 'on ne sait jamais hein'. Pourquoi ne pas se suicider dans quelques années ? MAIS, je suis incapable de me suicider, c'est une décision beaucoup trop importante > je ne sais pas décider < .

Je ne sais pas ce que je vaux, je sais que je suis plutôt gentil. Mais quoi d'autre ? Je ne sais pas si je suis intelligent, si je suis beau, si je suis riche, si je suis naïf, si je suis con, si je suis vraiment sympa, si je suis extraordinaire etc etc... Je suis dans le flou. Je sais à peu près comment je me considère mais mon jugement n'est pas celui des autres alors j'ai du mal à faire mon opinion, et même, quand on me dis mes quatre vérités (que ce soit vrai ou faux) j'ai du mal à croire ce que l'on dit de moi. Bon, si je me tue, ce ne sera pas moi qui l'aurait décidé. Et personne ne me trouvera -je disparaîtrai- |porté disparu volontaire| sinon c'est beaucoup trop facile. Et si je meurs demain ? Je m'en fous. Et faut-il toujours une raison pour se suicider ? Des questions étranges... Enfin, je n'ai pas peur de mourir, ça m'est même indifférent.

Où que je sois, j'ai du mal à trouver ma place. Vraiment je me sens mieux à l'aise seul, et je le regrette. A la maison, ma chambre je l'appelle le 7bis car nous habitons au 7 mais le 7bis c'est chez moi, c'est à part. Je rentre de l'école, je me débarrasse de mon manteau, je monte les escaliers, je pénètre dans ma chambre et je ferme la porte derrière moi. (Clac) voilà = communication zéro. Le 7bis est un autre monde, le mien, ma chambre, le domaine du moi. Je m'éloigne du sale jeu bourgeois et hypocrite installé par ma mère qui bouffe le climat qui pouvait faire preuve avant de chaleur, avant.

Je suis très éloigné de mes parents ; à des années lumières. Il y a une espèce de jeu malsain permanent dans cette baraque. Plus tu dis la vérité, plus on t'enfonces. Le but du jeu étant d'apparaître le moins faible possible. Tout le monde est faible à la maison, moi le premier. Ma mère occupée par son ménage, souffre du fait qu'elle n'est pas riche, elle regrette aussi d'être soumise (en apparence, car elle a une attitude d'enfant roi étouffé) parce que si elle ne se soumet pas personne ne pourrait la supporter longtemps. Ma sœur, elle, est conne mais elle se rattrape en bougeant son cul (car bien roulée il parait) en en suivant toutes les modes. Mon père, lui, regrette d'être en bas de la hiérarchie sociale et voudrai être plus haut, de plus il supporte mal les effets du temps sur son corps.

Ce climat sur lequel on ne peut reposer aucune vérité m'habite, j'ai grandi avec... J'ai moi aussi appris à faire face, à jouer aussi à ce jeu faux bourgeois. Je respire la traîtrise et le mensonge. Pendant ce temps, pendant que chacun essaye de cacher misérablement ses faiblesses, comme colmater avec des grains de riz une digue effondrée. Cette misère criante, en fait... non. Ce n'était pas de la misère, c'était de la honte. La honte de voir ce qu'on est vraiment. "Je ne suis que ça" Personne ne veut avoir l'air minable ! Pendant ce temps, cette lutte psychologique, cet espionnage constant à vouloir se percer les uns les autres, les rôles familiaux comme je les concevais, c'est à dire traditionnels, n'était pas assurés. L'amour d'une famille, la douce chaleur du foyer... moué.

Mais voilà que mon père , encerclé par une femme qui se veut trop conformiste et qui l'isole de tout ce qui peut faire les joies de la vie, se retrouvait seul. Papa prisonnier. Mais aussi assaillit de tout cotés par un boulot pas épatant ou encore la vieillesse qui le guette... Mon père d'habitude si puissant, posait les armes et jouait à visage découvert, faisant devant cette bière ce terrible constat... Mon père est dépendant de ma mère.



Simone et Jean-Paul : des amis.

Je crache pour la première fois clairement sur papier ce qu'il se passe. C'est un tabou, je n'ai même pas le droit de le raconter. Peu importe. Je n'en ai jamais fait l'aveu à l'oral et encore moins à l'écrit. Mais il apparaît important de laisser tout de même une trace de ce qui est mon quotidien. C'est vrai qu'en même temps, j'ai honte de déplorer ça, j'ai honte de mettre au grand jour ce que personne ne sait. C'est ce qui est au plus profond de la maison, lorsque la porte se referme sur ce jeu impitoyable duquel on ne peut sortir.

Nous savons qu'ailleurs il y a pire mais même en me disant cela ; j'ai peine à me débarrasser de ce mal. En effet oué, il n'y a que moi qui connaît ma vie et puis même je m'y pers entre mes mensonges et ma réalité. Déjà à l'âge de six ans, je cachais toute vie amoureuse car on m'en faisait méchamment le reproche. Je dissimulais mauvaises notes, problèmes avec mes camarades ou la prof, punitions, (...) à mes parents. Ils ne savaient jamais rien par moi. -toujours par les autres- l'humiliation s'en trouvait être plus grande. Mais avec le temps j'ai su perfectionner le mensonge et j'ai pu ainsi mieux manier ma double vie. Oui, je vivais heureux à l'idée d'être caché.

Après, j'ai su aussi faire mes armes contre l'hostilité casanière qui rend paranoïaque, en m'ouvrant d'avantage sur le monde, en étant plus sensible aux arts et la l'écriture. Je me suis cultivé. J'ai pris une longueur d'avance en me séparant de leur monde mais même la culture face à leur connerie ne fait plus le poids. Je passe aussitôt pour ridicule car incompris. Je suis malheureux de n'avoir, au bout du compte, pas le choix, d'accepter par honneur à faire/être comme mon père qui lui-même sait que cela ne mène pas au bonheur à moins de tomber sur une femme (oui une femme !) qui me laisserait -libre!- .

Cependant, après quelques révélations de dernière minute, ma mère semble souffrir de ce que je suis à peu près. Elle reste une des pires suiveuses, (effet de rhinocérite), qu'elle montre du doigt lorsque tout le monde montre du doigt et pour elle ce qui reste le pire affront, c'est le : Mais qu'est que les gens vont dire de nous ? -oui- là encore tenir son rang ! Elle est censée m'aimer pourtant, moi, son fils. Ou bien elle ne m'aime pas et c'est simple, ou bien elle m'aime et le fait très mal voir, ou encore elle ne veut surtout pas s'abaisser à cette concession pourtant élémentaire dans une famille.

Jamais elle n'a du imaginer ce que moi j'ai pu penser, ce que moi j'ai pu traverser. Elle ne pense qu'à elle et elle a honte de moi. Je ne vaux rien et je suis son boulet car c'est encore moi qui est une création d'elle. Et je me rend compte à présent du mal qu'elle fait autour d'elle. Elle n'est pas méchante, elle est juste chiante. Et si, j'écris, avec le recul on pourrait dire que c'est une peste que je la déteste que je la maudis (etc.) ... En réalité, il n'en est rien.

Je n'en veux pas à ma mère. Qu'est ce que je pourrai espérer d'autres comme parents ? je n'en sais rien. On fait tous avec. On ne peut pas espérer d'autres parents comme on pourrait souhaiter une autre boîte de cassoulet. Des parents on en a qu'une fois et je ne peux pas comparer. Parce que "être parent" au fond personne n'y est vraiment préparé. Être parent : c'est juste avoir des enfants, être parent ce n'est pas être superpapa ou supermaman. C'est faire ce qu'on peut , et si eux veulent que je sois comme eux, aussi je veux qu'ils comprennent que je suis moi. Et c'est aussi à moi de comprendre que eux aussi ont leur personnalité et qu'ils n'occupent pas simplement comme un robot leur fonction de parent. Chacun fait ce qu'il peut. Et ne pas croire que toute la misère du monde nous flotte dans la tête, ni de diaboliser qui que ce soit. Chacun fait ce qu'il peut pour s'en sortir. Moi, je suis jeune, je peux peut être encore espérer à réaliser mes rêves. Mais eux, la concrétisation, ils y sont et lorsqu'ils sont en dessous de leurs espérances, ils essayent de se leurrer, à cacher leurs regrets et à péter plus haut que son cul.

Après la bière (et une assiette de frites), le temps d'une trêve, on repris la voiture et on fit route vers la maison retrouver Mère et Sœur -sans un mot- le jeu reprend ses droits et on oublie cette faiblesse dont je fus le seul témoin.

***

(P.S. : si vous êtes arrivés au bout : c'est une fiction, il y a des éléments de vérités, inspirés de ma vie, mais n'allez pas y voir du rouge chez moi. J'ai juste une famille chiante et banale et je voudrai pas donner cette image qui cause du tort > lisez Modiano et Annie Ernaux (la place) voir aussi Franz Kafka (lettre au père) ).


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