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S A M - 10 - O C T
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SOUTIEN AUX MICHELINS
(Suite)

 

Les Michelins, comme je les appelle, à la manière de "Contis" de Clairoix travaillaient à Noyelles Les Seclin dans le Nord. Scénario devenu tristement banal ; Un grand groupe qui fait des bénéfices qui construit partout ailleurs dans le monde et qui licencie. Ils sont une petite centaine à défiler dans les rues de Lille : Gare Lille Flandres, Mairie de Lille puis République Beaux Arts, là où est située la préfecture. Il y a un tract "Hier eux. Aujourd'hui nous. Demain vous". Ils collent des autocollants par centaines sur le trajet du petit cortège. Ces autocollants sont un bout de leur travail. Ce sont des autocollants qu'ils collent sur les pneus. Il est écrit Michelin, puis à coté le modèle du pneu.

Ils sont en colère et ils ont raison. Il y a une brutale réalité économique engendrée par un système jamais rassasié en profits. A cela, ajoutons le mépris et le cynisme de ceux qui ignorent délibérément qu'il y a des Hommes derrière les chiffres et les produits. Ils ont appris par la télévision que leur site allait être fermé. Voilà. J'y vois une double injustice, non seulement il n'y a aucun remerciement pour les petites gens (comme on les appelle) qui sont quand même à la base de la production de richesse qui fait la fortune de ces licencieurs mais il y a en plus une absence totale de considération pour eux. Ils n'ont peut être pas fait de grandes études, ils ne sont pas de bonne famille, parce que c'est plus en plus le lien du sang qui garantit un avenir plus confortable même face aux talents. Ils ont beaucoup plus de mérite que ceux qui les gouverne, ils font un travail pas facile, comme on dit aussi, avoir les "mains dans la merde", faire un métier ingrat, en contact direct avec la matière. Alors si cette idée persiste, si c'est vu comme un boulot difficile pourquoi n'ont-ils pas des salaires dignes de ce qu'ils font ? Pendant ce temps, d'autres s'empiffrent devant des ordinateurs à suivre les cours de la bourse (ces fameux chiffres) et à s'en mettre plein les poches. Où est la justice dans ce système ?

Mais il y a encore beaucoup de travail avant de faire comprendre ce qui devrait être le bon sens (et pas au sens de ces cochons qui nous gouvernent et terrorisent). Un con passe devant la gare et à le courage de dire sa connerie car il est sûr de sa connerie parce qu'il lit peut être les chiffres des journaux économiques, peut être son rêve à ce pauvre homme c'est une constellation de chiffres infinis et exponentiels de flux et de productions. Et comme le monde (semble t-il dans ce qu'on peut en voir dans les médias) va dans son sens, il est certain d'avoir raison. "Allez travailler !" dit-il, (je reformule :) va, va, va, va, va bosser. Viens, viens, viens, viens, viens l'pognon, j'en veux encore (il croit peut être qu'il aura un jour une part du gâteau, il rêve le petit contremaître mal-baisé). Il sous entend, "Bossez plutôt que de faire grève !", vous nous embêtez avec vos grèves, c'est de votre faute si le pays va mal, il faut se sacrifier bon sang. C'est toujours mieux quand ce sont les autres qui se sacrifient. Un jour peut être ce sera lui, il sera peut être à leur place demain, comme le dit justement le titre du tract.

Il y a aussi les CRS à l'arrivée à la préfecture. Là aussi on se rend compte du soutien de l'État à ces escrocs. On tape sur les petits qui tentent de se défendre comme ils peuvent, on les intimide et on les envoient devant les tribunaux lorsqu'il y a des opérations désespérées spectaculaires. Pendant ce temps on lèche et on protège ceux qui agissent en toute impunité (et je ne parle pas du fraudeur de la sécu ou du métro). J'ai honte de ce qu'ils font au nom du peuple de ce pays.

Il y a ceux qui n'étaient pas là aussi, ceux qui veulent que "les choses bougent" qui veulent une convergence des luttes et tout le reste, les belles idées. Lorsqu'il se passe un petit quelque chose, ils se disent que ça ne sert à rien. Ils étaient où ceux là, ceux qui veulent un changement, ceux qui ne croient pas en un capitalisme moralisé (chose impossible ; l'expression est un paradoxe. L'essence même du capitalisme est immorale). J'y étais, je ne travaille pas dans le pneu Michelin, il y a peu de chance que je sois un jour un ouvrier, j'étais là par solidarité, je voulais leur faire voir qu'ils n'étaient pas tout seul. Malheureusement nous étions une poignée de personnes solidaires à la manifestation. Mais j'étais là aussi pour me rassurer, moi aussi, je ne suis pas tout seul.

Ils avaient une énergie incroyable, ils criaient fort, ils chantaient, ils s'organisaient rapidement. C'était un groupe uni, ils rigolaient entre eux, même dans le bateau qui coule, ils se regardent, ils se font des farces et se sourient. Ils étaient magnifiques. Leur tract est sincère, vrai, il y a des fautes d'orthographes ici ou là mais il est très touchant, il vient la sueur du travail et du fond de leur cœur, ça se sent. Les ouvriers, c'est quelque chose, c'est la solidarité avec les copains (plus que les collègues), il n'y a pas ça ailleurs. Les employés ça pue l'individualité, ça sent déjà l'égoïsme. Avec le passage des travailleurs de l'atelier au bureau, la relation a changé entre les travailleurs. Un atelier c'est indivisible par les directions. Dans un bureau, on contrôle mieux sa main d'oeuvre, on peut la noyer sous la paperasse, de réunions inutiles et on peut même monter les employés les uns contre les autres. Je regrette un peu ce soir la disparition progressive des usines et surtout cette camaraderie qui vient du bas et qui n'est pas un "esprit d'entreprise".

J'admire ces mecs.

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