M A R.. 2.7 . N O V


Ce cher Rimbaud, que je ne suis pas, s'était arrêté d'écrire à 20 ans. Quand je relis certains vieux textes que j'ai pu écrire, j'ai une espèce d'écœurement... Allez ce n'est qu'une pérégrination d'adolescent ! Je comprends ce pauvre Rimbaud, que je ne suis pas, tout à coup, cesse de torturer les phrases, la "ménoprose". Ce n'est pas faute d'avoir envie d'écrire, mais évidement, je me permets peut être beaucoup moins de maladresses qu'avant.

Rimbaud, que je ne suis pas, bien des années plus tard, partit au Yémen et en Ethiopie pour nous revenir dans l'état que l'on sait. Rimbaud, que je ne suis pas, l'ange aux jambes coupées. Parlons-en de la coupure ! Je ne peux plus écrire ce que j'ai écrit avant. Je sens mon crâne plus au fait, la conscience plus alerte, la vue élargie, les alentours du regard bien dégagés. Je prétends que le je qui fut un autre était comme lourdement enivré. La lourdeur d'une graine d'artiste soumise au tempérament des saisons. Il n'y a aucune légèreté à cet âge là. L'être n'y est pas léger. On se sent à l'étroit partout et en premier dans son corps. Des kilomètres d'idées et de pensées à partager au monde entier, un maelström dans la tête qui me donnerait la gerbe. C'est un âge riche et ingrat. Aujourd'hui, je vais moins vite, mais qu'il est bon de vivre enfin, qu'il est bon de ne pas être encombré entre les synapses. Et ça ne fera que continuer dans ce sens là. Je prends mon temps, je rationalise, je tends à apprivoiser des méthodes, quitte à y laisser la verve du verbe.

Rimbaud, que je ne suis pas, devait être fatigué d'être un petit sergent du vers. "Mr Rimbaud, avez vous rempli votre quota de poésie aujourd'hui ?" - "Oui Monsieur..." - "Hum, tout cela est très bon, particulièrement votre poème sur le géranium de votre balcon". -"Merci Monsieur" [mains derrières le dos tenant un petit chapeau de feutre déformé]. C'était sans compter sur son immense capacité à déserter. Bien joué garçon. Et pour moi ? je ris, personne ne réclame sa pitance quotidienne de mauvais texte j'espère. Et alors ? Que je ne dessinasse plus, que je n'écrivisse plus : je vous répondrai que je m'économise et que je fouette d'autres chats. Le style change, je le garde gentiment dans ma poche et en fait profiter mes amis lorsque j'en sors ma langue, un nouveau s'installe, un truc que vous avez déjà observé si tu viens souvent ici, ce sera un peu plus sérieux, un peu moins dégoulinant, c'est normal je vieillis.

Alors attends toi à revenir ici tous les deux mois avec du lourd à lire (si j'ai le temps) - t'es peut être pas au courant, mais je passe le Capés cette année, et j'ai l'avenir de la Nation six heures par semaine dans une classe pour apprendre la culture bourgeoise (je déconne) en Arts (évidement). Alors oué, quand Rimbaud, [...], décide d'aller se faire une sinécure pour vivre ce que son bateau bourré a filé. Moi bien plan-plan, aventurier de la Métropole Lilloise, sur un ponton que j'affectionne, je bosse à autre chose. Je n'ai jamais autant été Artiste sans œuvre même si c'est péjoratif. J'ai toujours mon talent dans mon stylo à bille et mon pinceau, et mon verbe laxiste dans la tête.

De toute manière, nous sommes dans les meilleures conditions pour Penser le monde, et dans le pire temps pour Créer quoi que ce soit. Il faut à présent mes amis, en attendant passer cette saison d'enfer, s'atteler à reconstruire et théoriser un imaginaire (loin de celui qu'on appellera dans l'art les "années capitalistes" >Jeff Koons, Haruki Murakami, Jan Fabre, Wim Delvoye (qui lui s'en sortira) et Damien Hirst pour faire court). Il faut également repenser complètement le statut de l'Image dans notre travail. D'autres l'ont pensé avant nous, mais les images n'ont jamais autant été paradoxales, entre trop d'images et pourtant toujours les mêmes qui tournent (voir -mémes- dans Wikipédia). Comment réagir face à ça ? Faut-il lutter ? Laisser faire ? Être pour ? En jouer ? Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas avoir de position face à ça.


Alors oui, je vous l'affirme ici, je signe, et c'est peut-être l'autre qui parle, JE SUIS LOIC SIX.

 

 

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