ATELIER VIDEO > DIDIER VIVIEN
LOIC SIX > L2 - LES AVENTURES 1 : L'AVENTURE MODERNE CHEZ SOI

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Mes amis, je vous dispense, si vous le voulez, de lire ce texte. Pour votre information ce petit texte est destiné à Didier Vivien. Cette vidéo est une création qui a une double fonction : Produire un travail dans le cadre de l'atelier vidéo et aussi produire un nouvel article qui entamera un nouveau cycle sur la question qui m'obsède depuis un petit moment déjà : L'aventure Moderne.

Commençons ;

Petit 1 : Déviation -Le plan tourne ! Ce n'est pas le champ qui bouge mais bien l'appareil photo numérique avec lequel j'ai filmé ma chambre. Il est posé sur mon tourne-disque, nous sommes dans ma chambre et je suis en pyjama. Heureusement la rotation crée une confusion totale ce qui fait qu'on ne voit pas l'intégralité de mes jambes. Vous pouvez voir également, si vous êtes chanceux, que je tiens un panneau "Déviation" que je n'ai pas volé dans la rue. Cette première partie symbolise plusieurs choses. Premièrement, elle tente de souligner le fait que nous nous abîmons vers un autre monde plus profond lorsque nous commençons la vidéo. Elle tente aussi de montrer un monde où l'on tourne sur nous même. C'est le sentiment de la platitude du monde qui domine narrateur et spectateur.

Petit 2 : Cigarette -Une cigarette vole, il faut noter les formidables effets spéciaux utilisés. Loïc Six voit la cigarette, il ne comprend pas et il bloque dessus comme un autiste, impossible pour Loïc Six d'interagir avec la cigarette. L'événement semble isolé, anodin. Cette cigarette volante ne semble pas trop le déranger, il ne tente pas de l'attraper ni d'être choqué. Il passe son chemin. C'est l'histoire d'un monde magique désenchanté. Il est possible de vivre des tas de choses extraordinaires dans nos vies, pourtant nous semblons éloignés, coupés de ce monde magique. La dépendance symbolisée par la cigarette est boudée. Loïc Six passe son chemin, il ne croit pas à la magie.

Petit 3 : Escaliers-Loïc descend les escaliers (la façon de filmer à été volée à Antoine de Maximy ; Le mec qui fait l'émission "J'irai dormir chez vous", seulement là il montre exactement l'inverse de ce qu'Antoine veut faire voir > Le fameux monde magique), il ne se passe presque rien, "il descend dans son salon". La caméra est centrée uniquement sur la tête de Loïc Six, on ne voit pas les escaliers, c'est un monde centré sur lui et un lui inintéressant. On peut dire que ce passage est une coupure avec le monde magique (le monde extérieur, le macrocosme). L'homme qui descend est tourné vers lui même, et c'est un vide intérieur qui le domine.

Petit 4 : Chat et Playmobil-Il présente sa chatte, Lilou, l'interaction est difficile avec ce chat, Loïc déclare même " on ne peut rien faire avec, même un Playmobil c'est plus intéressant, ça se laisse faire au moins". On peut dire qu'il y a une dimension sexuelle importante dans ce passage. Mais là encore c'est une déception même la libido entre les êtres vivants devient difficile. Ce sujet et ce ton est largement employé par Michel Houellebecq dans ses livres. Je ne suis pas d'accord avec son idée politique du monde cela dit il décrit de manière juste le mythe de la vie moderne. Le talent de Houellebecq a été dans sa capacité à repérer ce vers quoi nos vies tendent, une vie écrasée par les robots, des relations sociales qui tendent vers l'inexistence à ce détail près que le corps réclame encore la chaire, le tout baigné dans un confort soporifique. Conséquence ; ce pauvre Loïc Six a du mépris pour cet animal. C'est peut être même là son seul acte de rébellion face à un monde qu'on ne comprend plus ; il devient cynique (au sens courant du terme).

Petit 5 : Vieux Mulliez- On peut remarquer un très beau fondu, nous passons des tons sépia au noir et blanc, le fondu permet de faire en sorte que le glissement entre chat et vieux soit moins brutal car les deux sujets ne se suivent pas. Je filme en cachette depuis ma fenêtre deux vieux qui se traînent jusqu'au bout de la rue. On passe d'un intérieur en sépia à un monde extérieur en noir et blanc. Il y a une maison de retraite au bout de ma rue, c'est un ancien monde, cloîtré, lui aussi isolé du grand monde. Ce sont les témoins d'une autre époque qui attendent leur mort. Je parle des Mulliez, la première fortune de France.

Petit 6 : D'une fenêtre à l'autre- Loïc Six regarde la télévision. Je suis assez content de la façon dont est filmée la scène. Il faut savoir que je n'ai eu recours à personne pour me filmer. Il y a donc trois plans, un sur la télévision, un autre sur moi dans le canapé, et le dernier sur ma tête. A noter aussi que le commentaire sur les Mulliez continue alors que les vieux ne sont plus filmés. Et on passe directement à "Usine Michelin ; Chômage forcé à Roanne". Loïc reste indifférent à cette information, tout comme il est indifférent au passage des vieux (peut être les Mulliez). J'essaye de rendre rapidement compte du contexte extérieur actuel. Un monde en crise, et pourtant je crois continuer ma petite vie. Et je gobe ça comme je gobe la banane. La banane donne la sensation que le spectateur est crédule, qu'il est un singe. Bien sur ; dimension sexuelle de la banane, le seul vraiment moment savoureux et jubilatoire, qui rend dépendant, c'est un contact voyeuriste avec l'extérieur. Dernier point du petit 6, il faut voir que je filme dans le petit 5 depuis une fenêtre, il y a mise en abîme et comparaison entre la fenêtre de mon salon, et la télévision dite la "petite lucarne".

On bouleverse le rapport entre macrocosme et microcosme, on ne sait plus si la télé est micro ou macro, si ma vie est le théâtre de ma vie ou bien si l'extérieur est bien l'extérieur ou seulement une variation d'un microcosme voire d'un macrocosme déformé. Nous perdons nos repères.

Petit 7 : Banana splaf- La banane embête le chat. Là c'était pour créer un peu d'humour dans la vidéo pour que le spectateur ne s'ennuie pas tout le temps. Affirmons aussi qu'on y voit un duel entre la vie réelle et la vie télévisée. La vie télévisée est plus attrayante que la vraie vie, car elle est en apparence sans contrainte. La vraie vie paraissant plate, ou pour reprendre l'expression de Bataille "fade", on s'occupe alors comme on peut. Je revendique aussi dans ce plan le fait que je me suis inspiré de Pierrick Sorin, on peut le remarquer en écoutant ma façon de parler, il faut voir les épisodes de Pierrick et Jean-Loup.

Petit 8 : 10h26-C'est peut être le plan le plus long de la vidéo. Il est 10h26, "Il me reste encore un peu de temps" est dit à deux reprises. C'est de l'humour mais Loïc Six n'a que du temps à perdre, il s'ennuie clairement. Dire qu'il est préoccupé par le temps alors qu'il ne fait rien et qu'il n'a absolument rien de prévu tient du ridicule. Cette phrase montre que le macrocosme donné par la télévision se déteint sur le personnage. Il a exactement les mêmes préoccupations que les actionnaires par exemple, ils se tiennent toujours au courant de leurs investissements, ils sont obsédés par les informations. Loïc Six est un individu formaté selon ce modèle, il vit dans sa pathologie capitalisto-médiato-spectaculaire. (Et ça fait beau !).

Petit 9 : L'ordinateur- On continue de faire l'inventaire des médias. On choisit l'ordinateur. Loïc Six a un contact complètement désabusé en apparence avec le macrocosme, il ne sait pas qu'il est devenu un névrosé de la communication, du média. Loïc Six est devenu un obsédé du macrocosme. Il est malade. La façon de filmer l'écran est très instable afin de rendre l'impression de vertige. Il se frotte la tête, aller sur MSN n'est plus une tâche dans laquelle il prend son plaisir, c'est devenu une tache quotidienne, il fait son petit tour des nouvelles et potins tout les jours, et cela ne lui sert absolument à rien. Il le fait par habitude ou par devoir. Plus rien ne le passionne. C'est "USELESS BOY" mais il ne le sait pas.

Petit 10 : Le journal- Après avoir fait son petit tour quotidien, il lit le journal. On ajoute un média de plus. Le journal n'est qu'une couche de plus dans l'obsession de l'information. Il lit libération, cela ne lui sert absolument à rien. Il donne l'impression qu'il est exilé du macrocosme. Lire le journal du macrocosme dans le microcosme alors qu'il reste dans le microcosme. Il n'a aucun contact direct avec le monde extérieur , il est comme une éponge muette. Il absorbe des quantités incroyables et inutiles d'informations mais il n'en fait rien, il ne fait qu'absorber, il ne recrache jamais. Il déclare lire le Figaro quelques fois, mais il plaisante. Cela montre que son divertissement porte encore sur les médias, le monde extérieur. On voit alors clairement qu'il est bien barré et que c'est un "NO-LIFE".

Petit 11 : La Guitare- Loïc Six joue de la guitare, alors qu'il ne sait pas en jouer (je le sais de source sure). L'ennui est clair, il fait "des bêtises, des trucs qu'il aime bien" ou bien "de l'exercice le matin". Le plan est cadré de la même façon que le précédent. Il donne l'impression qu'il y a toute une série de combinaisons pour lutter contre cet ennui. J'ai très envie de dire aussi qu'il est important de bien savoir gérer les codes vidéos. Ce que j'appelle des codes vidéos, ce sont des "raccourcis de pensée", il ne va pas toujours de soi que lorsque deux images se suivent qu'elles ont un rapport l'une à l'autre. Elles peuvent très bien ne pas avoir de rapport entre elles, ainsi garder le même plan avec deux actions différentes donnent cet effet. Les "raccourcis de pensée" ne sont pas toujours évident à installer. Dans le Petit 6 lorsque les trois plans communiquent entre eux, à aucun moment on peut voir Loïc Six et la télévision dans la même image pourtant nous savons que Loïc Six regarde la télévision. Dernier point du petit 11, Loïc passe complètement à coté de la dimension culturelle et artistique de la musique, il y est insensible et par conséquent il lui est encore plus impossible de se libérer de sa pitoyable condition. Oh mon dieu !

Petit 12 : La mappemonde- C'est la même sérénade que dans le petit 6, on ne voit pas Loïc et la Mappemonde sur le même plan. L'articulation entre la mappemonde et le personnage est parfaite. Cette Mappemonde est simplement là pour marquer le coup, enfoncer le clou une bonne fois pour toute en illustrant la place du Macrocosme dans le microcosme ou l'inverse je sais plus très bien. J'ai aussi écrit sur ma feuille de brouillon que Loïc Six parcourrait le monde chez lui et que c'était un jeu débilitant, mécanique, idiot et il y a une petite flèche vers la banane. Il est également écrit qu'il n'y a pas de dimension sexuelle dans cette partie, mais que les jambes poilues pouvaient être interprétées comme appartenant à la dimension sexuelle mais que c'est sexuel seulement pour ceux qui regardent la vidéo, pas pour Loïc.

Petit 13 : Le nounours de chez Quick- A la fin, et c'est normal, Loïc devient fou.

Grand 13 : Le nounours de chez Quick 2- Loïc est Antipathique et/ou il est aussi sans doute Apathique, et puis pourquoi ne pas avancer aussi qu'il a une pathologie Aphasique. Enfin le grand point commun de ces jolis thermes : c'est la question du Pathos et de la difficulté du langage. Ce n'est plus vraiment un homme, ce n'est pas encore un robot, c'est un homme mutilé, il est dépossédé de ses moyens. Le mot Pathos signifie en grec ; douleur mais aussi passion. Quelqu'un qui a plein de pathos, c'est pour moi quelqu'un en proie à des monstres intérieurs et qu'il réagit de façon inconsidérée face aux autres, c'est quelqu'un qui ne sait même pas qu'il est tiraillé par ces monstres. Le personnage est complètement seul, par mimétisme, il recrée un autre monde chez lui. Il recrée un microcosme, il devient alors une espèce de dieu pour le nounours, ainsi la chambre devient un macrocosme. Le garçon est perdu et la seule façon de se retrouver c'est en recréant un univers stable, dont il est le seul maître. Les préoccupations n'ont pas changé, le nounours vient de chez Quick ce qui renvoie directement au monde extérieur. Mais inconsciemment, il recrée un monde pour nier totalement ce monde extérieur sur lequel il n'a aucun contrôle, tout va mieux dans ce monde ce qu'il fait qu'il se sent mieux. Par sa position de Dieu, il décide de donner une personnalité à cette peluche, il dicte la personnalité de la peluche, comme la télévision a peut être tenté de le faire avec lui. D'ailleurs, il tient la peluche comme une marionnette. Ce qu'il y a peut être de magique dans l'homme, c'est qu'au dernier moment, il trouve toujours l'énergie pour un dernier soubresaut, par la peluche il tente d'échapper à sa propre tétanisation mais le mal est déjà fait.

Petit 14 : Tourniquet- Même séquence vidéo que dans le petit 1, nous bouclons la boucle. Cette image donne normalement le tournis dans la tête du spectateur ce qui le revoit à un questionnement profond sur sa propre condition lorsqu'il regarde cette vidéo sur le média internet, ce n'est pas pour rien que la vidéo est sur Dailymotion, ça fait aussi parti du processus de réflexion. Ce tournis, c
'est une maladie de l'image qui mange les rapports sociaux, c'est aussi un fétichisme d'un monde entier tout puissant, comme une force incontrôlable, fascinante et surtout insaisissable. Une mécanique bien rodée contre laquelle l'individu ne peut rien et dans laquelle il se laisse volontiers broyer. Cette force invisible est un Léviathan qui passe sa langue magique dans les têtes et qui y crée une dépendance d'ordre sécuritaire.

 

 

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