D O S S I E R S . D E . L A . M A G I E . D U . M O N D E . : . N.6

 

ESSAI . EN . FAVEUR . D'UNE . RÉACTUALISATION . DU . ROMANTISME . ALLEMAND

ÉTAPE N.2
" RE-TRADUCTION "


 

4 EXPLICATIONS

___________________________________

REMONTONS LE TEMPS :

Je veux que l'Anhalter Bahnhof devienne un lieu de pèlerinage. Cette ruine est dans ma théorie la clef de voûte entre le Romantisme Allemand et notre époque. Cette gare démontre que le monde a changé. Le monde s'est en quelque sorte déplacé pour ce cas. Le voyageur romantique aurait très bien pu partir de cette gare pour contempler sa ruine d'Abbaye au fond du monde. L'histoire passe par là, le monde est à présent "globalisé", le fond du monde est autrement plus facilement accessible. Le voyageur (post)moderne n'a plus à fouler des contrées connues, il les a déjà vues sur Arte. Le voyageur (post)moderne peut ressentir une émotion comparable à celle du romantique devant cette gare, voici ; Loïc Jean Six, La gare dans une forêt de routes, 2008-2009, Clubvf.free.fr. Tandis que l'abbaye de Friedrich est un repère de Goths pour égorger des rats morts; aujourd'hui, elle appartient au cliché. Il n'y a plus de pureté dans l'émotion extatique de l'abbaye.

 

 

Caspar David Friedrich, Abbaye dans une forêt de chênes, 1809-1810, Berlin.


Il faut signaler le paradoxe de l'Histoire dans cette théorie, ici, le point de départ de l'Homme Romantique est devenu le point d'arrivée de l'Homme (post)moderne. Il faut imaginer le sujet romantique se transformer remontant de sa lourdeur temporelle, remontant, ici, les rails, jusqu'au centre de Berlin.

Le monde perdu des romantiques était le Moyen-Âge, c'est pour nous le monde des Romantiques qui est perdu. Je force peut-être, mais il y a une ressemblance frappante entre d'un coté l'Abbaye et de l'autre la gare. Une ruine me diriez-vous ressemblera toujours à une ruine. Je vous répondrai que celles du Wold Trade Center en étaient aussi.

Pour continuer à accréditer mon propos j'ai trouvé ceci qui m'a interpellé sur un site dont le slogan est "Éveillez vous à l'Art" : "L'abbaye dans un bois (1809-1810) est l'une de ses premières oeuvres [ à C. D. Friedrich]. Elle témoigne de la passion du peintre pour les vastes espaces nocturnes et la solitude et son goût pour la contemplation mystique des éléments. La référence à l'architecture gothique marque également sa rupture avec l'idéal néo-classique porté par la révolution française et alors en vogue dans toute l'Europe."

Le titre en Allemand de la toile est "Abtei in Eichwald", donc "Abbaye dans une forêt de chênes". Cela donne déjà une bonne idée du sérieux de l'article mais il est bien représentatif de l'idée générale diffusée ou sous-entendue sur la toile. Il ne s'agit pas là non plus d'une de ses premières oeuvres car CDF peint déjà depuis au moins 11 à 12 ans. Je passerai sur la passion des vastes espaces nocturnes (qui ne vaut pas mieux). Il y a une référence à l'architecture Gothique mais elle ne signale en aucun cas sa rupture avec l'idéal néo-classique. Et pour cause à y regarder deux fois cette référence est en ruine ;

 

1 ...2

La qualité n'est pas top mais l'Abbaye est bien en ruine. C'est certes l'hiver mais les arbres paraissent bien morts. La mort aussi au premier plan. Ce sont des moines qui portent un cercueil. Deux d'entre eux portent des bougies, un autre tient une croix. Ils se dirigent vers une fosse fraîchement creusée. Sans doute justement ce qu'ils enterrent c'est la référence Gothique, ces moines enterrent l'ancien monde, le monde perdu, dans le chaos général. Effet d'enterrement d'ailleurs souligné par la couleur du ciel (comme dans la métaphore du Spleen de Baudelaire, "Quand le Ciel bas et lourd pèse comme un couvercle").

Pour finir, point que je conteste avec énergie, il n'y a aucune rupture avec l'idéal néo-classique porté par la révolution française. Révolution tellement en vogue dans toute l'Europe à tel point que Goethe (Figure Emblématique du Romantisme) rencontre l'Empereur Napoléon (alors envahisseur) le 2 Octobre 1808. La thèse selon laquelle CDF et les Romantiques ont développé un patriotisme contre l'impérialisme français est fausse, c'est un héritage du détournement culturel effectué par le Troisième Reich. Il y avait bien un patriotisme mais il était inspiré du modèle de la Révolution Française, en faveur de la liberté. Et coté germanique, la recherche de soi, le soi-interieur. Le soi extérieur étant traduit par l'errance et le chaos. La lutte contre l'impérialisme français de l'époque était une affaire politique et non artistique. Dans ce courant, il n'y a pas rupture avec l'idéal néo-classique français, il y a continuité, déclinaison ou plutôt appropriation.
Il faut cesser avec l'idée de croire que lorsqu'on s'oppose à quelque chose, on est forcement d'accord avec son contraire. Quand on le peut, et ça arrive souvent, il y a d'autres voies.

Ainsi :

Page 40 ; La défaite de la Pensée. - Alain Finkielkraut - Chez Folio Essais.

" L'appellation que les traditionalistes se donnent ne doit pas nous égarer :
Animés par la passion du révolu, romantiques allemands et technocrates français n'en accomplissent pas moins une révolution épistémologie. Leur haine de la modernité engendre une conception de l'homme radicalement nouvelle. Leur nostalgie inaugure dans le savoir une mutation dont nous sommes encore largement tributaires. Ces réactionnaires acharnés sont des inventeurs malgré eux. Dans leur rage à remettre l'homme à sa place, ils découvrent l'impensé qui œuvre en lui et fondent les sciences humaines."

Il suffira pour nous de reprendre le même chemin.

_________________________________________

SUITE

 

DEUX AUTRES PEINTURES COMPARABLES :


Caspar David Friedrich - Abbaye d'Eldena (Près de Greifswald) - 1824/25 - Berlin

 


Caspar David Friedrich -Les ruines du Monastère sous la neige ) - 1819 - Détruite en 1945