L U N - 2 6 - O C T

S O Y O N S . V R A I M E N T
N O U S . M Ê M E S .

 

Aperçu :

"Le droit de changer d'avis"
"Osez la différence"
"Et pourquoi pas ?"
"Être vraiment moi-même"
"Tellement vrai"
"Le droit d'être comme je suis"
"Ou pas."
"Comme vous êtes"
"Be hot, be cool, just be"
"Parce que c'est moi, parce que c'est nous".

Je crois comprendre,
la publicité servait à vanter les mérites d'un produit, "Achetez notre lessive, elle lave ..." avec la formule un peu choc "plus blanc que blanc". Le produit est renvoyé vers son objet : la lessive lave, le chocolat se mange, la cigarette se fume, la machine à café fait du café. Il suffisait de dire que notre chocolat était bon. Il est alors étonnant de parler du consommateur pour vanter le produit... L'objet vanté n'occupe plus la place centrale dans la publicité. Certes, on avait déjà vu des femmes nues pour vendre du carrelage mais le but était d'associer la libido à l'achat de carrelage. La vérité ici, c'est que je suis devenu le produit de l'entreprise qui me vend quelque chose. Le consommateur n'est plus demandeur, c'est l'entreprise qui se l'offre. Les rôles sont inversés. On me vante lorsque je fais mon achat. Sous couleurs de fausse émancipation, avec le cynisme de dire en filigrane que nous -chacun dans son "moi"- sommes finalement tous pareil, l'adage de Descartes dans le postmoderne (j'ai lâché le mot) n'est plus "Je pense donc je suis" mais "J'achète un hamburger donc -Je suis- encore plus".

Mac Do est celui qui va le plus loin.
On pourrait voir éclore dans la tête du client ce genre de raisonnement :
"Je suis absolument moi-même lorsque je vais acheter mon hamburger. Je suis comme tout les autres qui sont eux-mêmes. Ça voudrait dire qu'il y ait des gens qui ne sont pas eux mêmes ailleurs ? Où ? Ils sont nuls, ce sont des traîtres, de toute façon, ils ne sont pas ici, puisqu'ici, nous sommes tous nous mêmes, sinon on achèterai pas des hamburgers..."

Autre exemple :
"En plus nous venons comme nous sommes, si je veux j'ai le droit de venir en petite bourgeoise le lundi, en hippie le mardi, en fashion le mercredi, en décontracté le jeudi et même en style bureaucrate le vendredi. J'ai le droit. Et qui pour dire que je n'ai pas le droit ? Personne."
Et c'est normal.
La question du droit ne se pose pas, la question du droit à être tel que je suis est erronée.
C'est une question qui voudrait appeler à la légitimation, mais la légitimation d'être tel que je suis existe de fait lorsque je nais.

Il existe ce qu'on appelle 'le double paradoxe' ou 'le règne de l'oxymore'.

Ce besoin de s'affirmer, de surexposer le moi, montre en fait le contraire, si l'on devait être absolument soi-même à chaque fois que la publicité nous le demande dans le seul but de consommer ou de développer une attitude face à un produit donné, il est sur qu'il y aurait dispute entre les différentes sortes d'être absolument soi-même. Or logiquement, il n'existe qu'un seul "soi-même" dans chaque individu, nous avons une seule sincérité en nous, et nous ne bataillons pas intérieurement sur des variations de sincérité. D'ailleurs, ces variations de sincérité, peuvent-elles être exprimées en même temps ? Mais avec le changement de la modernité, il existe de nouvelles réponses. Les seules façons de répondre à cette question d'identité face à la publicité : C'est ou bien ne plus avoir d'identité ou bien d'en avoir plusieurs.

On ne fait pas de publicité où l'on affirme le vrai. Si le vrai est vrai et évident, pourquoi alors le rappeler ? Alors on avance que c'est parce qu'il n'existe peut-être pas ou plus.

Tout changement d'attitude et de changement d'être est légitimé. Pourquoi ce modèle de personnalité plutôt que celui là ? Tout se vaut. Alors que mon identité devrait s'attacher à un seul style parce qu'il n'y a une seule sensibilité propre à moi, je vis avec plusieurs modes de vie, appelons ça la flexibilité de l'identité. Des modes de vie caméléons qui ont justement pour effet de gommer toute indépendance. Donc c'est de la publicité mensongère.

 

C'est du Vaudeville.
A la façon de Desperate Housewives, on se passionne pour les doubles jeux. Celui qui joue sur un seul plan passe pour un naïf. On change de costume selon les situations et on tient des discours différents. Ce qui prévaut dans le complot, c'est peu importe le moyen utilisé, l'important est d'obtenir ce que je veux, la flexibilité de soi pour être plus efficace avec les autres. Le bénéfice n'est pas toujours cherché consciemment, il n'est pas forcément marchand, il peut être aussi symbolique. Autant de tests (télé réalité) ont été faits sous nos yeux avec une multiplication des slogans publicitaires qui allaient dans le même sens (éclatement de l'identité, mise en concurrence entre les individus).

Pourquoi tu regardes Secret Story alors que tu dis que c'est nul ?

Réponse d'une fille à Lille :
Euh, ça fait délirer, et puis comme tout le monde parle de ça, et puis ils sont tellement débiles.

(Dans ce cas, la justification parait floue, le fait que "tout le monde" regarde cette émission télé semble être finalement la seule motivation. La concurrence "libre et non faussée" dans un environnement cloisonné où les concurrents colocataires se déchirent est un spectacle pour l'extérieur, on retrouve finalement les jeux du stade du Colisée de Rome où le public assiste à la mise à mort de chaque candidat. Ce qui est effarant dans cet exemple c'est que la valeur (nul, débile) ne gène pas le spectateur : je sais que c'est nul, je regarde, ah oui ils sont biens nuls ! La pauvreté du programme, son manque total de contenu, de légitimité, ne vient pas à l'esprit de celui qui le regarde. Celui qui lorsqu'on lui pose la question ne fait que se dérober en ne fournissant aucune argumentation sur ce qu'il regarde réellement reproduit exactement le schéma de l'émission dans la vie... du vent.)

Mais le scénario de la vie est beaucoup plus compliqué, il n'y a pas les hypocrites d'un coté, les benêts de l'autre, je ne pense pas que le bénéfice (qui est bien souvent non-marchand) soi voulu de manière consciente. Tout le monde a la conviction d'être soi-même. C'est pourquoi il y a autant d'expressions que d'humains, issues entre autre de la publicité, pour chercher sa propre légitimité dans ses actes.

Par exemple, la question "Pourquoi pas ?" ou bien l'expression "ou pas", permet d'apporter aucune affirmation. Dire "Ou pas" ou "Pourquoi pas ?" c'est ouvrir le champ des possibilités. La légitimation vole en éclat. Elle n'existe que sous forme de question.
Pourquoi je n'aurai pas le droit d'être ceci ou cela ? Hein ?
Et nous sommes pris au piège.

Si l'on vous pose cette question absurde un jour, sachez répondre :

"T
u n'as pas le droit de te faire ça pour ta dignité, tu n'as pas à te libéraliser car tu n'es pas une marchandise, et tu ne dois en aucun cas perdre ton humanité et ta révolte contre de l'efficacité économique et spectaculaire."

Ya de quoi remettre du discours là dedans...


et ça c'est de l'ironie.


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