L U N . 0 3_ M A I


" V O L E R . E N . É C L A T S "

 

à Thomas]

 

 

 

"Georges, je ne vous connais pas : Qui êtes vous ?" Disait Gaston.

 

 

Georges répond qu'il faut répéter la question, qu'il ne la comprend pas. "Répétez s'il vous plaît, je ne vous comprends pas." Gaston se fait plus insistant, fixant dans les yeux Georges, et articulant proprement ces mots : "Qui êtes vous ?".
Georges vraiment étonné : Hein ?, mais c'est impossible de répondre à cette question. Les autres peuvent peut être vous répondre à ma place, moi j'en ai aucune idée de la réponse à vous fournir, si vous ne me connaissez pas, apprenez à me connaître, vous verrai, je pense, ça s'imposera à vous naturellement. Comment voulez vous que je vous réponde à la question -Qui ?- s'agissant de moi ? Je n'aime pas cette question. Il me semble, ici, en plus, sur ce site, j'ai passé assez de temps à éviter sciemment cette question [dans les anciens anciens articles]. C'est une question qui ne se pose pas, c'est une question à la con. On peut dire de quelqu'un : C'est Qui ? Ah bah lui c'est le plombier du quartier. Vous aurez sa profession, mais vous ne saurez pas qui il est. Ou en entrant dans une salle où il y a ce plombier de quartier. "C'est qui alors ce plombier ?" En montrant du doigt vous répondez, "C'est lui, là bas". Vous saurez à présent à quoi il ressemble."

 

Cela lui rappelait le Post-scriptum d'Antonin Artaud dans "Pour en finir avec le Jugement de Dieu". Il imaginait cette voix qui le mettait mal à l'aise. Pure poésie non diluée : Qui suis-je ?/ D'où je viens ?/ Je suis Antonin Artaud / Et que je le dise / Comme je sais le dire / Immédiatement / Vous verrez mon corps actuel / Voler en éclats / Et se ramasser / Sous dix mille aspects / Notoires / Un corps neuf / Où vous ne pourrez / Plus jamais / M'oublier. Autant dire que c'est une excellente pirouette.

 

Alors sur ces modalités habituelles, Georges répondait volontairement à coté : Je suis Loïc Six + ma gueule est celle que j'ai là + 21 berges + troisième année d'arts plastiques à Tourcoing Lille3 + habite à Croix + carte au NPA + site web. Bien sûr, la réponse fournie à Gaston n'était pas satisfaisante. Georges le trouvait maladroit, il laissait des longs silences, un peu agacé et surtout décontenancé par la question à laquelle il devait répondre. Gaston ne laisse pas le temps à Georges et lui sort un laïus que Georges n'écouta pas.

 

Georges n'avait pas compris le sens de la question de Gaston. Gaston criait "au secours pour toi" à Georges. Le but de la question n'était pas de savoir qui il était, car il sait pertinemment que la question est une impasse si on veut y répondre. C'était un signe. Le Qui êtes vous ? C'est un appel pour dire à l'autre, camarade, je te réceptionne mal, vire ta distance, sort moi tes tripes, donne moi ce que tu as, laisse moi entrer chez toi, s'il te plaît, jouons à armes égales. Ta sécurité, ton hygiène, on s'en tape, ça te pourrira la vie.

 

 

Georges, solitaire, ne savait pas tout ça. Il n'en avait pas conscience. Bon sang, se dit-il, qu'est ce qu'il me veut celui là ? je joue déjà cartes sur table. Georges avait toujours été seul, par habitude, il ne mélangeait pas ses problèmes avec les gens qui gravitaient autour de lui, par pudeur, par intimité. Mais aussi parce qu'il était parfois vraiment con : une espèce de Monsieur Je-Sais-Tout avec une très haute idée de lui-même [le tout saupoudré de Narcissisme dégueulasse]. Il réglait ses problèmes seul et avait toujours procédé comme ça. "Où pourrais-je avoir des problèmes, si je les ai déjà réglés?" Sans le savoir, il était devenu une forteresse sous laquelle se cachaient une multitude de parasites qui le rongeraient petit à petit plus tard, à force de ne pas cracher ses remords et de ne pas montrer ses regrets sincères.

 

 

Le temps jouait en défaveur de Georges qui était trop lent dans ses réflexions, Gaston était trop rapide peut être. Si bien que lorsque Georges sût ce qu'il était devenu, il comprit alors qu'il fallu absolument partager.

 

Quelques jours plus tard, Georges voulut revoir Gaston, il avait dans ses bras des tonnes de mots. Des mots qu'il n'avait jamais dit, jamais osé, par peur de proférer ce qui n'était que de la sensibilité. Gaston avait toujours une longueur d'avance. Georges allait vers Gaston. Mais Gaston était déjà ailleurs. Il lui échappait une fois de plus, la réponse formulée quelques jours plus tôt par Georges avait été prise comme un refus d'ouverture. Alors, Georges était devenu secondaire pour Gaston qui le traitait tout à coup avec distance. Électrochoc pour Georges, dont les bras tombaient des nues : les mots vinrent se renverser sur le trottoir pavé de la Rue Royale, une immense flaque de mots vint se déverser dans le caniveau aussitôt avalée par les égouts.

 

 


Quel gâchis.

 

 

 

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