M E R.. 1.9 . F E V

NOUVEAU DEPART ?



Hier matin, un ancien camarade m'a téléphoné. Je n'ai pas décroché. Vous savez, c'est ce genre de personne qu'on ne peut pas s’empêcher de trouver un peu bête. Un ancien camarade que, sans mon ancienne militance, je n'aurai pu rencontrer tant nos vies sont opposées. Un mec avec un accent Ch'ti bien prononcé et aux emportements verbaux parfois risibles, d'autres fois très agaçant tellement l’immédiateté domine face à la faiblesse d'une réflexion plus poussée.

En écoutant le message laissé sur mon répondeur, il vient parler d'un rassemblement à Lille en réaction et en solidarité à un fait divers tragique qui s'était produit deux jours auparavant. Un chômeur s'était immolé devant un pôle emploi à Nantes et qui avait suscité peu d'indignation médiatique. Ceux-ci préférant aborder le cas d'un Sud Africain, champion olympique ayant vraisemblablement assassiné sa femme. Bien sur, le machisme mérite d'être combattu tout autant que l'organisation de la pauvreté par le chômage. Mais la façon dont les médias daignent se pencher sur ces affaires sordides devient énervante. Chaque jour le machisme fait des victimes : pas besoin d'aller voir en Afrique du Sud ! La misère et bien installée chez nous ! Les médias : « regardez là bas » (pour ne pas voir ICI, là où nous sommes capables d'agir). Nous n'avons aucune marche de manoeuvre sur cette affaire là, sauf si l'on décide d'aller en Afrique du Sud mais ça n'aurait pas de sens...

Je n'ai donc pas prévu d'aller en Afrique du Sud. Je voulais d'ailleurs aller aujourd'hui au Louvre Lens pendant mes vacances. Et puis est venu en moi un sentiment de culpabilité. De quel droit je méprise cet ancien camarade ? Suis-je si idiot pour le regarder de haut et souhaiter une révolution lorsque je suis bien assis ? Le paradoxe, c'est que je lui reproche de ne pas être assez éclairé et qu'il est pourtant en mouvement pour répondre au drame nantais pendant que je vais refaire le monde dans des diners ou au café en finissant mes phrases par « on se retrouvera sur les barricades » sans trop y croire mais en la désirant.

Et beaucoup de monde désire ces barricades...
J'hésitais à participer à ce rassemblement à Lille. J'irai surtout pour comprendre cette différence entre lui et moi. Comprendre pourquoi il y a tant de drames et de précarité sans que la révolte éclate. J'irai pour voir où en est cette révolution dont on parle tant et qui ne vient pas.

J'ai compris que j'étais un futur bourgeois en puissance. Que même du haut de mes 400€ mensuel, je n'étais pas de sa trempe. Que si tout va bien dans mes études et dans quelques années, j'aurai probablement une paye aux alentours de 2 000€ quand lui restera dans sa "condition" ce que Mélenchon appelle le "précariat", mélange entre prolétariat et précaire.

Alors ce mépris, je l'ai surtout envers moi-même, je l'ai parce que je m'autoflagèle tout le temps. Je pensais que vivre avec 1 500 €, c'était suffisant et qu'être riche c'était mal. J'ai toujours été économe sauf sur l'alcool. Des contradictions je n'en ai jamais eu autant et je ne les ai jamais aussi mal assumées. Tout le monde n'est pas comme moi. La littérature et l'art me sauve de ma future condition de bourgeois, c'est vite dit.

Je veux démontrer une rigueur économique avec laquelle je suis né alors que de toute façon j'ai les moyens de ne pas me l'appliquer. Je suis bien beau avec de belles idées mais ça ne pèse pas lourd face à ceux qui n'ont pas le choix. Tout cela me parait fortement chrétien, une belle repentance permanente. De bien beaux sentiments, de la belle tendresse à l'égard du petit prolétariat, j'aurai dû lui dire d'aller ouvrir un bouquin de temps en temps, ou peut être lui dire qu'on n'était pas du même monde et que par conséquent je ne pouvais rien pour lui.

Je suis en mal de légitimité, je me repens tout le temps, je passe mon temps à me justifier alors qu'on ne m'a rien demandé, par peur d'être soupçonné de mal faire. Et au final on sape tout ça quand on y trouve ces contradictions. Cessons la repentance et la légitimité viendra. Savoir affirmer sans au préalable chercher de justifications "poser ses couilles" sur la table et être cash, ne plus avoir peur. Le jour où j'arriverai à sortir de cette flagellation, je serai enfin un adulte et plus un enfant timoré cherchant toutes les explications de peur d'avoir fait une grosse bêtise, ce qui m'a suivi toute ma vie au plus profond de moi sans que personne me l'ait dit de faire, c'est venu tout seul.

Seulement voilà, entre justifications et reproches, il est difficile de sortir d'un cercle vicieux et infantilisant. J'essaye d'être enfin responsable et ça passe par des prises de décisions, elles sont dures et j'ai toujours été lâche.

Quant à ce rassemblement, je n'ai pas réussi à aller au Louvre, il était 14hoo et le prochain train était à 15h45, ça ne servait à rien d'y aller pour y rester qu'une heure. Devant Pôle Emploi, on était neuf. La révolution ne viendra pas car les bourgeois ne sont pas assez touchés.

 

 

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