08/01/2014


 

JANVIER 14

Voilà plusieurs mois que je n'ai pas écrit. Nous avons changé d'année. Le temps est trop incertain pour refaire du vélo. On s'attendrait à ce que j'en parle sur le site, de ce qu'il s'est passé cet été. Je pense alors immédiatement à cette phrase de Léo Ferré : "Les seules choses valables se font dans la tristesse et la solitude". Non, je n'en parlerai pas, j'écrirai sans doute une fois de temps en temps là dessus, mais jamais dans sa totalité. Non pas qu'il s'est passé des choses extraordinaires, ni en moi ni ailleurs, enfin, peut être, à vrai dire je n'en sais rien, mais je sais que ça me manque. Ma vie a changé, elle a changé à ce moment là, mais le vélo n'a rien à voir là dedans, ni ce qu'il s'est passé. De toute façon, je n'écoute plus vraiment Léo Ferré.

J'ai été très content de faire ce périple à vélo. Parfois la nuit, j'en rêve. Quand j'y repense, au vélo. Je me souviens des rencontres et aussi surtout des galères, des moments où j'étais perdu, des moments dangereux sur certaines départementales, des lignes droites qui n'en finissent pas, des tracteurs qui vous doublent à toute vitesse et surtout des côtes. Ce sont les moments difficiles qui restent, on peut comprendre l'avis de Léo Ferré.

Ma vie depuis stagne comme une légère dépression plus ou moins joyeuse dont je serai le dernier au courant. L'année dernière je faisais de grandes choses. Ce début d'année, je sens que j'ai beaucoup plus de recul par rapport à tout ça et c'est aussi parce que je ne fais plus vraiment grand chose. En somme je suis toujours dans le ravin. Je reviens ici, parce que ça fait longtemps, entre les grands écarts permanents et impendulaires, je prends le temps pour une fois de me laisser aller tard le soir, rongé par la fatigue et à une bête mélancolie.

A vélo, je n'avais pas de moyen d'écouter de la musique, alors je chantonnais.
C'est étrange, je n'avais pas de Léo Ferré en tête pendant mon périple, j'avais surtout cette chanson, ou plutôt seulement ce rythme, du clip "Blizzard" de Fauve. Ce clip, je le trouve immensément nase, des bobos en mobylette, des paroles ridicules, beaucoup de gens n'aiment pas Fauve, mais je leur reconnais l'intelligence du rythme. C'est une mélancolie ridicule, mais comment ne pas avoir l'air ridicule lorsqu'on exprime une mélancolie ? Seule la musique symphonique à mon goût peut transparaître la mélancolie collectivement parce qu'elle s'engage dans l'imaginaire de chaque individu qui l'écoute, on peut alors avec un même objet musical obtenir de la mélancolie, le même sentiment partagé, en ayant sa propre image en tête.

Je me souviens alors des années mélancoliques lycéennes, jamais je n'ai autant lu, jamais je n'ai autant écouté Léo Ferré, jamais ma vie n'avait été aussi chaotique. Pourtant en y repensant, même si j'ai passé beaucoup de mes soirées d'ado à écrire sur ce site, comme pour le vélo, je me dis que ces années étaient à la hauteur de ce que j'avais envie de faire, même s'il fallait attendre, même s'il fallait toujours être incertain et même si j'ai écrit beaucoup de trucs merdiques, ça faisait partie du "truc".

Aujourd'hui, ce soir, au moment où j'écris ces lignes, je suis loin de tout ça. J'apprends d'autres choses et il est difficile de retourner à l'écriture. Un grand écart encore, il me parait difficile d'allier un état mélancolique avec l'idée d'apprendre des gens, d'apprendre des choses plus concrètes : La mélancolie est un sentiment où l'on se recroqueville sur soi même, où on a envie que notre vie soit comme la musique symphonique digne d'un grand roman.


Il n'y a ni constat, ni d'avis tranché, un état ou un autre, on peut continuer comme ça, une errance bizarre. Rien ne bouge. Aujourd'hui j'écoute essentiellement des choses qui n'ont pas vraiment de sens et le reste du temps j'entends (pas j'écoute) France Inter, ignoble radio. J'entends des émissions, des bulletins d'informations et de météo dont je n'aurais aucun souvenir le lendemain. La vie s'étend là, comme ça. Une continuité sans profondeur, sans épique, une continuité inconfortable et qui me lasse. Une ligne droite interminable.

L'année dernière à la même époque il y avait bien vingt centimètres de neige dans la rue. L'hiver n'a toujours pas pointé son nez, depuis septembre c'est pareil, un temps gris et humide parsemé ça et là de douces éclaircies qui ne durent pas. Les jours se ressemblent et nous enchaînent. Les temps sont trop incertains (pour refaire du vélo).
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