RAPPEL
: (Pour ceux qui ont le courage)
PLATON
: LA REPUBLIQUE : LIVRE VII (Résumé par
Bernard Suzanne)
«Eh
bien ! après celà, dis-je , représente-toi d'après une épreuve telle
que celle-ci notre nature par rapport à l'éducation et au fait de
ne pas être éduqué. Figure-toi donc des hommes comme dans une habitation
souterraine ressemblant à une caverne, ayant l'entrée ouverte à la
lumière sur toute la longueur de la caverne, dans laquelle ils sont
depuis l'enfance, les jambes et le cou dans des chaînes pour qu'ils
restent en place et voient seulement devant eux, incapables donc de
tourner la tête du fait des chaînes ; et encore la lumière sur eux,
venant d'en haut et de loin, d'un feu brûlant derrière eux ; et encore,
entre le feu et les enchaînés, une route vers le haut, le long de
laquelle figure-toi qu'est construit un mur, semblable aux palissades
placées devant les hommes par les faiseurs de prodiges, par dessus
lesquels ils font voir leurs prodiges.
[...]
Examine maintenant, repris-je, leur délivrance et leur guérison des
chaînes et de la déraison : que serait-elle si naturellement il leur
arrivait ce que voici ? Quand par hasard quelqu'un serait délivré
et contraint subitement à se lever et aussi à tourner le cou et à
marcher et à lever les yeux vers la lumière, tout ce que faisant,
il éprouverait de la douleur et serait en outre incapable, du fait
des scintillements de la lumière, d'examiner ce dont auparavant il
voyait les ombres, que penses-tu qu'il dirait si quelqu'un lui disait
qu'auparavant il voyait des balivernes alors que maintenant, un peu
plus proche de ce qui est et tourné vers des choses qui, plus encore,
sont, il voit plus droit, et si de plus, lui montrant chacune des
choses qui passent, il le contraignait en le questionnant à discerner
dans ses réponses ce que c'est ? Ne penses-tu pas qu'il serait dans
l'embarras et qu'il croirait les choses vues auparavant plus vraies
que celles maintenant montrées ? Et même de beaucoup ! dit-il.
[...]
Et alors ces ombres, si de nouveau il lui fallait lutter jusqu'au
bout, en se faisant des opinions sur elles, avec ceux qui ont toujours
été enchaînés, au moment où il aurait la vue faible, avant que ses
yeux ne fussent rétablis --et le temps ne serait pas court, tant s'en
faut ! jusqu'à l'habitude--, ne prêterait-il pas à rire et ne dirait-on
pas de lui qu'étant monté là-haut, il est revenu les yeux endommagés,
et que ça ne vaut vraiment pas la peine d'essayer d'aller là-haut
? Et celui qui entreprendrait de les délivrer et de les faire monter,
si tant est qu'ils puissent le tenir en leurs mains et le tuer, ne
le tueraient-ils pas ? A toute force ! dit-il.»