Mercredi
22 Octobre
L'emmerdeur
Je me fâche. Ce matin à la fac, avec un grand sourire, une petite chieuse m'a demandé gentiment à ce que je cesse d'ouvrir ma gueule en cours. M'a t-on dit également que répondre : "le Nord c'est Germinal" à la question "Pourquoi les gens ne vont pas au musée ?" était une "pure absurdité". La petite qui, sous intention pédagogue, avait sans doute, vu son air satisfait, le sentiment du devoir accomplit (bonne action de la journée) s'en est envolée après que je lui ai répondu un gentil d'accord. Je bave.
Je dois être très con, je dois être très con d'être sans cesse en activité, de toujours jouer les parasites dès que j'en ai l'occasion. Chaque jour, je viens dans cette banalité monstrueuse où j'écoute des cours que tout le monde prend pour argent comptant. Des cours que personne ne torture, que personne n'ose contredire. Il y a un manque total de réaction, tout est plat, et c'est désespérant. Ils sont là les élèves loin de la Sorbonne, ils s'échouent tout les jours sur les bancs de l'amphithéâtre. Les profs du pôle art plat (car il est très plat) lâchent des paroles qui résonnent sur les murs. Non pas que les élèves ne soient pas intéressés, mais j'ai des raisons de croire que le prof est idéalisé ; le prof est un dieu. Et ce qu'il dit est vrai, même s'il n'y croit pas.
Parfois même il donne la parole à ses élèves... Histoire de prendre la température, voir à quel dégrès de mutilation sont ses élèves. Je le devine à s'attendre quelle vulgarité il s'attendra. Je le vois assister avec impuissance à la décomposition de ses cours. J'entends par cours : non pas quelque chose que l'on apprend par coeur (nom des tableaux, dates clés, artistes, etc) mais plutôt la notion critique qui l'accompagne. Cette notion critique on ne nous la donne pas, c'est à nous de la penser, histoire d'éviter le problème de la pensée unique. La critique, c'est à nous de la fonder sur n'importe quelle analyse, pouvu qu'elle tienne le coup. Elle demande un petit effort, à celui de voir un peu plus loin que le bout de son nez. La critique ne vient pas avec un cours, c'est un exercice quotidient qui ne concerne pas que le cours... Mais bien tous les domaines.
Et, j'entends par Vulgaire : Le fait de retranscrire une pseudo-critique. Ainsi une pseudo-critique sur les Etats Unis par exemple sera de dire que ce sont des salops égocentriques et meurtriers. Or ceci est un jugement. On lance ça à tout va, ça fait subversif, je crois, mais surtout ça ne sert absolument à rien. On recrache quelque chose du moment que ça fait beau.
Il existe dans la société deux pensées profondément liées, celle de la télévision qui donne un discours officiel, ET SON INVERSE. Paradoxalement, la seconde pensée vulgaire qui puise toute son energie dans le discours officiel et difusée aussi de manière plus ou moins latante par la télévision. La subtilité de la télévision est là : la télé dit qu'elle est elle meme de la merde et à la fois par cet acte elle en sort plus "intelligente". > On adule Sarkozy et on le linche en meme temps. La télévision est à la fois complice de l'homme politique, mais elle est complice aussi du téléspectateur. Et si les élèves que je vois fustigent le discours "état-télé" d'un autre coté ils adhèrent et "fondent" leur petite "analyse" alors qu'il s'agit d'un autre discours qui est celui "télé-specateur". Ils ne font qu'inconsciament que reprendre ce qui leur est donné dans la main. Je ris, en voyant la tête de ce pauvre prof qui s'écroule à chaque fois. (Et cet article n'est pas cynique).
Bref, je bouge dans tous les sens, tout le temps, je crache sur tout le monde et personne ne réagit. Peut-être est-ce la faute d'une idée préconsue (télévisuelle dans sa représentation) qu'une faculté d'arts plastiques est un endroit qui offre des libertés, un endroit où l'on peut se permettre d'être relax, et surtout un endroit plein de tolérances -Voyez l'idée-. Comme je dis toujours peut-on tout tolerer ? Mêmes les intolérences ? Il semble que sous le principe de tolérance, on se condamne à l'auto-nivellement. On grogne peut être un peu dans les dents mais on subit.Je suis dégouté. Une fac d'art plastique pour moi, ce devrait être tout l'inverse. Ce devrait être un endroit où l'on s'engueule, ce devrait être un endroit où l'on se bat et débat aussi. On devrait se prendre le chou à longueur de journée, on devrait se mettre des baffes, histoire d'en baver un peu. Non, à la place du champ de bataille semblable aux réunions des futuristes italiens, nous nous retrouvons en plein paradis. Un paradis éffrayant par son vide. Là où se joue une partie de l'art de demain, il se trouve que la politique adoptée est celle de l'acceptation, celle de la mollesse du laisser-aller. Là, on l'on est censé réflechir aux sociétés actuelles et du futur, on se borne à la "critique" gentillette de la télé, non pas qu'on manque de bon sens. Mais aucune éthique à l'horizon, rien. Alors je continue de provoquer parce que j'y crois.