M A R D I - 0 I - S E P T

 


F R O M . G R A V E L I N E S . T O . H O M E

 


Le mois d'Août s'est achevé. Je n'ai toujours pas été à Gravelines. Peut-être la semaine prochaine. J'ai réussi à faire quelque chose cette semaine. Après avoir compté et repéré les pylônes électriques de la centrale nucléaire de Gravelines, jusqu'à chez moi (le transformateur le plus proche > A Wasquehal, Avenue Jean-Paul Sartre.)
Je passais à la réalisation.

L'électricité pour arriver chez moi passe par 223 pylônes et 2 transformateurs.

Pendant un Samedi Après-midi, après avoir calculé calmement et avec très grande attention, je me lançais dans le ciel de Google Earth. Suivant mes calculs, je construisais un lambris de 75 cm sur 75 cm, je comptais 223+2 = 225 cases, racine carrée de 225 = 15, donc 15 cases sur 15. Confiant, je me disais qu'un format classique d'une photo développée était de 10 x 15 cm. Si vous suivez vous vous dites alors qu'il faut 5 photos sur 7.5 pour remplir le carré. Je m'armais de la touche "Impr Ecran Syst", de ma patience, et du logiciel Photophiltre. A 200 pieds de hauteur, ce qui me semblait acceptable, je centrais le pylône et hop, j'appuyais sur "Impr Ecran Syst". Je passais sur Photophiltre, clic droit "coller en tant qu'image". Une première sélection avec le pylône comme sujet principal. Clic droit, "paramétrage manuel", taille, largeur réglée à 300, longueur idem. Clic droit, "recadrer", Clic droit "taille de l'image", convertir les Pixels en Centimètres, 5 cm sur 5 cm. "Créer nouvelle image" de 10 sur 15 cm, insérer ensuite 6 carrés de pylônes de 5cm de coté. Répéter l'opération environ 225 fois.

J'ai fais ça avec aisance, tranquillement en écoutant ce magnifique album d'Harold Budd avec les Cocteau Twins : "The Moon and The Melodies". Ça ressemblait beaucoup à mon travail. -Le job d'été qui me permet d'avoir un peu de loisirs pendant l'année et de voyager un peu.- Ça me rappelait mes ANV. ANV, je ne sais pas ce que ça veut dire. J'ai beau avoir fait des recherches, il faudrait que je demande. Bref, j'ai "passé des ANV", sur un logiciel nommé 3270 j'allais sur des comptes (une liste de comptes en débit m'était donnée au préalable) et s'il y avait un débit sur les exercices de 2005 - 2006 - 2007 -2008 sur le compte au dessous de vingt euros ; Plutôt que de réclamer l'argent, on passait l'éponge et on remettait le compteur à zéro. Alors sur ce logiciel, je tapais le code du compte concerné puis j'entrais sur le compte grâce un truc qui s'appelle recfac (RECherche FACture), j'allais sur la facture annuelle de l'année en question puis je tapais 45 suivit du montant à effacer puis en justificatif en libellé j'écrivais ÉPURATION. Mot brutal. Puis je tapais 15, puis encore une fois le montant et F10 pour valider. Ainsi de suite jusqu'à ce que ma liste soit finie. Il fallait compter environ 1000 numéros de compte à passer en ANV.

Bref, si je vous dis ça, ce n'est pas pour vous donner envie de passer soudainement des EPURATIONS de compte, c'est bien pour vous faire voire le coté rébarbatif et abrutissant de la tache, comme celle de faire des IMPR ECRAN SYST. Je transposais mon travail d'été en travail d'artiste. En ayant pris cette habitude, je travaillais avec facilité. Mon cerveau n'arrivait plus à écrire mais faisait des saisies absurdes pour nettoyer des fichiers, rendre clair des listings pour les rendre peut être plus lisibles. La communication n'était plus possible. À travers toutes ces tâches, je perdais la faculté de m'exprimer correctement, si je gagnais en calcul mental, je perdais en éloquence. Je faisais des phrases simples et arrivais de moins en moins à imaginer des systèmes de pensée. Le seul système que je voyais c'était celui du logiciel, des milliers de données, de trigrammes ou de codes inutiles et abstraits. J'utilisais un jargon réservé uniquement aux initiés du 3270. J'étais alors isolé et ne pouvait compter que ceux qui m'entouraient, c'est à dire les collègues.

Je n'ai pas vu d'incompatibilité entre mes pylônes et mon travail d'été. Les deux finalement étaient abstraits. Si l'on voit le résultat du travail (ci dessus) effectué et mes données informatiques, le sens de l'œuvre échappe totalement à ceux qui la regardent. On obtenait un fouillis de pixels qui de loin ne donne aucune image globale. Il faut, pour saisir cette image, avoir les clefs : Savoir qu'il y a une démarche de montrer les pylônes entre chez moi et Gravelines et ses symboliques annexes. Heureusement peut être, c'est une œuvre techniquement loupée, qui m'a donné beaucoup de peines. Le support (un lambris fabriqué soi-même et une toile en papier glacé d'affiche publicitaire) n'a pas résisté à la colle à papier peint. Il s'est arraché par endroit. De plus, la colle à fait des paquets. A cette heure encore, la colle n'est toujours pas sèche sous certaines photos, alors que ça fait deux jours qu'elle a été posée. Mais ce n'est pas tout, je me suis fait arnaqué car le papier photo utilisé (développement sur borne dans le métro) faisait 10.2 x 15.2 une marge non négligeable qui a fait gondoler et dépasser les photos du cadre. J'ai tenté de rafistoler avec du scotch, comme des cicatrices qu'on essaye de refermer rapidement. J'ai obtenu une œuvre sale, un peu bancale, dégoulinante.

Et avec le recul je me dis que cette dose d'accidents fait vraiment l'affaire, ...Rassurante.

Je vous la fait à 60€, c'est cadeau.

 

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