J E U .2 6. A O U

SUITE

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ET JOËL L'OUVRA !

Réponse formulée par Joël à l'article précédent,
que je trouve bien et que je décide de publier immédiatement.

 


« On utilise la plupart du temps le concept Narcissisme à tort. Il renvoie plutôt dans l'usage courant au concept d'Égocentrisme. La différence fondamentale entre ces deux notions, c'est la présence du public. Narcisse n'a pas de témoin dans sa souffrance, il est seul. L'égocentrique au contraire a besoin des autres pour se sentir centre de quelque chose. Je me surprenais l'autre jour à dire : "Le Narcissisme et sa part de Masochisme qui l'accompagne". J'ai pensé que j'avais tort. Puis j'ai voulu corriger : "L' Égocentrisme et sa part de Masochisme qui l'accompagne", ça me paraissait inexact : l'égocentrique n'est Masochiste qu'en présence d'un public. Dans ce cas ça donne : "L' Égocentrisme et sa part d'Exhibitionnisme..." et puis je rétablissais "Le Narcissisme et sa part de Masochisme...". »

LOIC SIX : Article précédent]

Commentaire de Joël :


… La thématique n'est pas dénuée d'intérêt ! Mais j'oserai le (gentil) reproche d'un état de « constatation » sans réelle tentative d' « interprétation ». Étant scotché à mon clavier pour d'autres rédactions, il m'est venu l'envie de te répondre sans vanité ni imprécation évidemment.


Narcissisme & exhibitionnisme sont-ils des égocentrismes ?

La réponse paraît évidente pour le premier. A ceci près que l'on constate que Narcisse peut indifféremment se contempler à l'insu de tous comme à la vue de chacun ! Son « EGO - CENTRISME » est tel qu'il s'exprime en toute circonstance : indépendamment d'autrui... L'altérité n'est pas même une donnée qu'il intègre, qui lui importe. En toute compagnie, fut-elle réduite à 0, il n'a d'intérêt que pour lui-même. Ce rejet pourra être discuté par la suite.

L'évidence est moindre pour le second. Certes s'afficher publiquement, impudiquement - largo sensu, est forcément attracteur du regard des autres vers soi : une attraction centrée vers l'ego donc ! Mais l'on peut aussi objecter qu'il y a un certain altruisme à solliciter l'attention particulière d'un public quel qu'il soit... Sans chercher à pondre une schématisation qui serait forcément caricaturale, il n'est pas déraisonnable ici de penser que le but est bien égocentrique mais que le médium ne l'est pas. Cet effet « boomerang » témoigne d'autres angoisses...



Narcissisme & exhibitionnisme sont-ils des masochismes ?

N'est masochiste qu'un comportement visant à produire une douleur en soi-même ! Douleur qui conduira à un plaisir onaniste. Faire de l'ego un unique objet d'attention (individuelle ou publique. cf. supra) n'a pas cet objectif. Tout au contraire peut-on y déceler une vertu apaisante (éthym. qui apporte la paix) :
• Narcisse offre son égo au regard du « soi » pour ne pas affronter la douleur – réelle ou fantasmée – du regard des autres ;
• quasiment a contrario peut-on envisager que l'exhibitionniste offre son égo aux regards étrangers pour ne plus affronter le verdict – objectif ou partial – d'une vision par le « soi »...
Dans tous les cas il s'agit de se faire du bien. Ici en évitant de souffrir. Le masochiste lui, n'est pas dans une stratégie d'évitement.




Image(s) de soi, & vision(s) des autres...

« L'enfer c'est les autres » écrivait J-P Sartre, que G. Bedos compléta « … Le paradis aussi. ». De la solitude contemplative à l'OPA (Offre Publique d'Admiration), il me paraît intéressant de réfléchir sur ce qui « est donné à voir »...
Sartre voulait notamment (… je ne veux pas réduire ce texte dramaturgique à un unique angle d'interprétation !) signifier que nous sommes trop souvent indulgents à notre propre égard, nous forgeant ainsi une « image de soi » valorisée – à outrance selon lui. Nous « autres » le constatons bien souvent lorsque nous sommes confrontés à des « égos » alternes ! En extrapolant juste un peu, on y trouve une critique pertinente du narcissisme en tant qu'il refuserait de confronter son image « égocentrique » aux regards souvent accusateurs des autres, de nous.

Mais il est aussi vrai qu'à l'instar de l'humoriste, nous « autres » avons souvent pallié le manque d'estime personnelle de tel ou tel « ego » en souffrance ! Il ne me paraît pas absurde d'écrire qu'à l'occasion, en satisfaisant l'exhibitionniste par l'offre d'un regard ou d'un intérêt, même partiel, même éphémère, même feint, nous lui avons entrouvert une porte sur un quelconque Éden.

 


L'avons-nous fait par empathie ou par sympathie ?

... Je m'explique.
Dans l'empathie il y a une compréhension partagée sans souffrance réciproque. Ce qui peut être un gage d'objectivité dans nos interférences avec autrui. Dans la sympathie compréhension & souffrance sont partagées : cette extrême proximité – connivence – induit potentiellement une subjectivité peu profitable à l'autre...
L'empathie impose une bonne perception du « non-soi » tout autant qu'une connaissance honnête du « soi ». Si mon image égocentrique me pose problème alors aurais-je naturellement tendance à falsifier l'image de l'autre (pour y trouver un parallèle personnel) et donc tendance à lui prodiguer un avis biaisé (qui me satisfera par la même occasion) !

Ainsi, Narcisse admire-t-il un ego fantasmatique tout comme l'exhibitionniste affiche publiquement un ego d'apparat... Et nous le faisons tous ! …

[ J'évacue ici les artifices du jeu de la séduction, les masques portés pour plaire ou juste être toléré, tout comme les stratégies (faussement) misanthropes pour déplaire à outrance. Se « montrer sous son meilleur jour » ou se « montrer insupportable » sont – également – des tromperies de l'ego avec leurs parts de narcissisme et d'exhibitionnisme concomitants oserai-je écrire. Pour se faire du bien. Immédiatement ou à terme.]

Je veux mettre en évidence le fait que nous ne nous connaissons pas totalement nous-même... Et même en toute sincérité, toute honnêteté, notre image narcissique comme notre image exhibée sont partiellement fausses car égocentriques ! Égocentriques au sens où c'est toujours le « je » qui se regarde et se montre tel qu'il se croit. Faussement quand bien même il aurait pris en considération 1000 & 1 avis venus des autres et essayerais de se départir de toute apparence trompeuse.


« Connais-toi toi-même » ?

De ce qui précède je dirais que c'est juste impossible ! C'est à mon sens une quête sans aboutissement définitif. Quête à laquelle ont renoncés les Narcisses et autres exhibitionnistes : ils ont une image figée du « soi ». Fixité rassurante mais « inhumaine » ! Ainsi dans l'auto-contemplation comme dans l'exhibition, ce ne sont pas forcément les qualités réelles ou supposées qui attirent, mais ce peut être aussi le détournement de l'attention (propre ou publique) d'un fait inéluctable : nous changeons ! Parfois en mieux, parfois en pire, mais sans cesse. Si j'osais une image métaphorique, je dirais que : nos « egos » successifs avancent vers un « soi » final. Je perçois évidemment l'influence de ma culture scientifique (cf. théorie de l'évolution) aussi quand je dis final c'est bien dans l'acception matérialiste (mortel) pas idéaliste (aboutissement forcément meilleur, destin, etc.).

Pour rester patent avec le sujet qui m'a fait écrire ces lignes, je conclurai en disant que nous sommes tous égocentriques, un tant soit peu narcissiques et exhibitionnistes tour à tour, que cela nous fait souvent souffrir sans que nous en devenions masochistes, et que seule l'évolution factuelle de notre « soi » réel est un gage d'humanité et d'humanisme par voie de conséquence.


Joël V. alias Charles de Batz-Castelmore, comte d'Artagnan :-))

ADDENDUM :
Je rebondis sur une bribe de conversation avec Manu à qui je disais que : « professionnellement (professoralement) il fallait tenir compte du contexte socioculturel des élèves mais rester dans son domaine de connaissances, compétences et missions. Faire toujours mieux dans ce cadre et ne pas culpabiliser de ne point pouvoir faire grand-chose dans les autres domaines... » Je suppose qu'il y a un rapport – même vague – avec ce qui précède :
• tel que je me connais aujourd'hui, j'essaye de faire de mon mieux pour que mon image narcissique soit mon image exhibée (et réciproquement) et surtout qu'elle soit conforme à ce que j'en sais ;
• bien que cherchant à connaître les autres, je n'indexe pas mon apparence (passive ou « en action ») à leurs caractéristiques individuelles ou collectives ;
• je ne culpabilise pas du fait qu'au fil des aléas de la vie, autrui me fasse découvrir des choses inconnues de mon ego ou que moi je découvre que mon ego a changé. Ce qui ne me dispense pas d'en combattre les travers évidents et d'en cultiver les qualités avérées.

 


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