M E R .1 6. M A R

B ! bref

 

"Je crois que c'est une stratégie. D'accord, elle est minuscule,
mais c'est très bien, il faut qu'elle soit minuscule. Elle est locale.
Il faut multiplier les stratégies locales."
JEAN FRANCOIS LYOTARD

 

De toute manière, rien de grave, les artistes se sont toujours exilés dans la modernité. C'est une stratégie qui fonctionne, on le sait. Les premiers qui claquent la porte et dont l'acte est resté pertinent aujourd'hui, ce sont les Romantiques. J'adopte une démarche revendiquée comme Romantique. Je sais ce qu'il s'est passé avec Barbizon, les Orientalistes, les Impressionnistes, les Cubistes et autres Dadaïstes, qui se sont tous exilés. Il ne s'agit pas de poursuivre la modernité mais de conserver ce qui a été comme un déclic révélateur dans l'emegence des idées au siècle dernier. Il faut arracher aux images d'Épinal de la modernité, le fait que l'exil lui appartienne, il faut briser ce monopole imposé par la vision caricaturale de la modernité. Autrement dit, l'exil est un des ingrédients de la modernité, mais l'exil est quelque chose de plus vaste qui ne s'arrête pas à la modernité. Il la déplace, c'est une posture. Il faut sortir d'un vieux débat entre pro-moderne et anti-moderne, et donc post-moderne.

Le monde a changé depuis le Romantisme, le monde ne nous échappe plus, il est entièrement conquit, particulièrement en Europe, le voyageur est devenu touriste. Google Maps est l'oeil qui visite tout. Le voyage est terminé. Les confins du monde sont explorés. Il n'y a plus rien à y faire. Nous trouvons une nouvelle infinité du monde dans le Chaos, pour reprendre la phrase de Walter Benjamin : "Seul l'inachevé est compréhensible, seul il est à même de nous mener plus loin. L'achevé n'est bon qu'à consommer. Voulons-nous comprendre la nature, il nous faut la poser comme inachevée. // Le chaos n'est rien d'autre que le symbole du médium absolu". Ici la nature étant terminée, nous remplaçons le Chaos de la nature par le Chaos de la culture; Explorons la chute de notre propre monde.

Pour cela, je vais partout où je vois les expressions chaotiques et sublimes du monde . Le pylône électrique, géant d'acier fragile, est l'incarnation la plus pertinente à mes yeux. J'y trouve un contact à la fois avec la communauté humaine, avec la terre, et avec le ciel, donc la communauté des esprits. Le pylône est une figure fétiche, incantatoire, magique et électrique. Il est autant notre salut que notre perte. Je suis aussi gouverné que Friedrich par les pylônes que lui par les abbayes en ruines. J'affectionne aussi particulièrement les autoroutes, les sites industriels, les périphéries urbaines, aéroports, gares, centrales nucléaires, terrils, mais aussi la répétition commerciale: ce sont autant de thèmes qu'il est obligatoire d'explorer. Voilà pourquoi j'affectionne et que je revendique dans ma pensée, l'école de Düsseldorf et le Land Art.

Il ne s'agit pas de refaire du Land Art ou du Bernd et Hilla Becher. Nous avons l'opportunité de l'apparition de nouveaux champs à investir, ceux de Google Maps et d'IKEA, il n'y a pas qu'en extérieur que le chaos se joue. A sein même de la machine, dans les écrans se jouent aussi les limites du monde : il faut y être présent. Il faut être partout.

Ce sont autant de thèmes que j'ai envie de partager, sur ces principes, avec un collectif dont la sensibilité individuelle peut à la fois analyser et créer.

>> A suivre.

 

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